But de ce blog


Le refus de procréer étant encore un tabou volontiers passé sous silence par les médias dominants, ce blog a pour vocation de montrer que le non-désir d’enfant ou le dégoût d’être né sont en réalité des invariants anthropologiques qui se manifestent à toute époque à travers les œuvres littéraires, philosophiques et même religieuses. Ainsi le but de tout bouddhiste est-il de sortir à jamais du cycle des naissances… Pour paraphraser le VHEMT : Puissions-nous rire longtemps et disparaître !

24 juin 2012

Lettre C



~ Aux gens qui envisagent de procréer en affirmant qu’ils aimeront intensément et prendront grand soin de leur futur enfant, il est nécessaire de sobrement rappeler que prendre soin, aimer et sauver quelqu’un qui est déjà au monde fait tout à fait sens, mais il est difficile de justifier le fait de donner naissance à quelqu’un dans le but de l’aimer, d’en prendre soin et de le sauver. Cette attitude semble ignorer ab initio que la meilleure manière d’aider, aimer, sauver et prendre soin de quelqu’un est… de ne pas lui donner naissance ! Au fil du soupçon nietzschéen, il semble que les gens sont disposés à faire toute sorte de choses pour éviter que leur enfant souffre, n’importe quoi, sauf… ne pas l’introduire dans la souffrance structurelle [de l’existence].
~ Nous décidons tout autant de l’existence des autres quand nous les faisons apparaître dans le monde que lorsque nous les éliminons.
~ L’amour ne peut pas du tout supplanter l’éthique. […] Quiconque dit avoir procréé par amour, comme d’autres tuent par haine, dit peut-être la vérité, mais, sans nul doute, cette personne n’a donné aucune justification morale pour la procréation. Dire que vous avez eu un enfant « par amour » est une manière de dire que vous l’avez eu compulsivement, selon les sauvages rythmes de la vie. De la même manière, nous pouvons aimer intensément nos parents et, en même temps, considérer la parentalité comme éthiquement et rationnellement problématique, et réaliser que nous avons été manipulés par eux. […] On ne peut justifier moralement un homicide en disant que nous l’avons fait par haine, ni un suicide en disant que nous l’avons fait « par haine de nous-même ». Une chose peut continuer à être éthiquement problématique même lorsqu’elle est guidée par l’amour.
~ Nous pouvons considérer comme immoral qu’un homme utilise la vie de son fils comme un moyen, en lui donnant naissance afin de fuir les malheurs et dégoûts de sa propre vie. Beaucoup de gens témoignent explicitement qu’ils ont fait leurs enfants afin de fuir le non-sens de leur vie.
Julio Cabrera, A critique of affirmative morality – A reflection on death, birth and the value of life. Argentine XX°

~ La vie humaine manque de valeur dans sa structure terminale même, essentiellement dans les trois dimensions de la souffrance : la douleur, l’ennui et la disqualification morale des êtres humains en général. […] Compte tenu de la condition humaine, il est impossible de vivre une vie morale au sens strict.
~ La procréation est dans tous les cas moralement problématique, même les soi-disant « procréations responsables » (et peut-être celles-ci tout particulièrement), car elle consiste à offrir à d’autres la structure terminale de l’être et ses conséquences que sont la douleur, l’ennui et la disqualification morale. […] Ceci nous oblige à contester l’idée habituelle que la naissance est un cadeau et la procréation le paradigme d’une action éthique.
~ C’est l’essence même de la vie qui est mauvaise, pas dans le sens d’un mal métaphysique, mais dans le sens d’un mal-être physique et moral.
~ La procréation peut être considérée comme un acte moralement problématique et, dans beaucoup de cas, simplement irresponsable. […] Même les procréations ontiquement responsables sont moralement problématiques. […] En plus de léguer [aux enfants] une non-value structurelle, [la procréation] s’effectue dans un but de bénéfice personnel et dans un exercice clair de manipulation d’autrui, en l’utilisant comme moyen.
~ La douleur, l’ennui et la disqualification morale sont des raisons permanentes et structurelles pour s’abstenir de procréer.
~ La vie a une valeur négative structurelle ; la procréation est, par conséquent, toujours irresponsable.
~ La vie persiste à cause d’une pulsion vitale puissante, immorale et irrationnelle. […] Les humains restent en vie et procréent non pas parce que la vie est intrinsèquement précieuse, mais parce qu’ils sont contraints de vivre, même dans les pires conditions.
~ La vie, en son essence, N’EST PAS BONNE.
~ Le mieux aurait été de ne pas naître. […] Une fois nés, que pouvons-nous faire, d’un point de vue moral ? Comment pouvons-nous quand même faire preuve d’éthique ? […] La première chose que je devrais faire est : ne pas procréer.
Julio Cabrera, Summary of the ethical question in Julio Cabrera’s philosophy. Argentine XXI°


~ On se bat beaucoup chez les pauvres. Il faut bien passer sur quelqu’un sa fureur, sa rage d’être au monde et d’y rester.
~ Je pense que rien au monde n’est plus féroce, vicieux, criminel qu’un enfant.
~ Toi, ma mère, garce, je ne sais où tu es passée. Je n’ai pu retrouver ta trace. […] Si tu vis quelque part, sache que tu peux m’offrir une joie. La première. Celle de ta mort. Te voir mourir me paierait un peu de ma douloureuse enfance. Si tu savais ce que c’est qu’une mère. Rien de commun avec toi, femelle éprise, qui livra ses entrailles au plaisir et m’enfanta par erreur. Une femme n’est pas mère à cause d’un fœtus qu’elle nourrit et qu’elle met au monde. Les rats aussi savent se reproduire. Je traîne ma haine de toi dans les dédales de ma curieuse existence. Il ne fallait pas me laisser venir. Garce. Il fallait recourir à l’hygiène. Il fallait me tuer. Il fallait ne pas me laisser subir cette petite mort de mon enfance, garce. Si tu n’es pas morte, je te retrouverai un jour et tu paieras cher, ma mère. Cher. Garce.
Louis Calaferte, Requiem des innocents. France XX°

~ Jamais je ne me suis complètement éveillé de cette mort féconde qui précéda ma naissance.
~ Elles sont mâles et femelles. Elles procréent. Elles sont mères-rats. Fermentées. Elles creusent des trous irréparables dans tout ce compost de moelle pour y pondre la semoule de leurs œufs. Est-ce à moi de les nourrir ?
~ Toute présence humaine m’est une provocation et j’invoquais le soufre, les orages de Sodome. Justice ! – Dieu de verdict, m’aiderez-vous enfin à décimer ces races ! […] Comment, sans vos épées glorieuses, exterminerais-je tous leurs enfants du vice ? Armez mon bras, que je sois invincible et invulnérable ! C’est un à un qu’il faut les prendre, les frapper, les réduire sous le pied, effacer jusqu’à leur forme afin de s’assurer par soi-même de la totalité de leur mort – et encore décaper aux acides le lieu de leur sacrifice ; que le sol y soit cent mille ans stérile. Je suis votre poing de colère, Seigneur ! L’édit diluvien de votre Verbe. Et après les enfants – leurs mères ? Ainsi, Seigneur ? Puis, les mâles ? Nous les assemblerons par milliers sur des terres creuses qui les engloutiront.
~ Avec vos décors de catalogues, […] vos gros enfants, […] avec vos culs paraboliques bien installés dans le giron de la vie : vous croyez que vous serez épargnés par l’horreur. Mais non ! Mais non ! Vous aussi ! Vous aussi ! Et nous tous ! L’horreur nous circonscrit. […] Vous êtes viandes à tortures – vous aussi ! Nous sommes nés ainsi. Notre sang est plein d’horreurs.
Louis Calaferte, Satori. France XX°

J’apprends l’homme. L’homme est une saloperie.
Louis Calaferte, C’est la guerre. France XX°


Ah ! misérable, infortuné ! Je prétends, ciel, t’arracher quel délit j’ai pu commettre contre toi par ma naissance. Mais je suis né : j’entends bien le délit que j’ai commis […] Le délit majeur de l’homme, c’est d’être né.
Calderon de la Barca, La vie est un songe. Espagne XVII°

Périsse le jour, seigneur, où je naquis en ce monde ! Périsse la froide nuit en laquelle je fus conçu pour ma si grande peine ! […] Avec ma vie viendra s’achever ma douleur.
Calderon de la Barca, Le grand théâtre du monde. Espagne XVII°


Je pense que j’ai eu tort de te faire venir en ce monde. Tu verras, ce n’est pas très drôle, quoi qu’on en dise. Te voilà, par ma faute, condamné à la peine de vie. Mais rassure-toi, ce n’est pas si long qu’il y paraît : tout a une fin.
Henri Calet, Monsieur Paul. France XX°


La vie présente, considérée en soi, est pleine d’inquiétudes, de troubles, en tout misérable, n’est bienheureuse en nul endroit : tous les biens d’elle qu’on a en estime sont transitoires et incertains, frivoles et mélangés avec des misères infinies : et ainsi de cela nous concluons qu’il ne faut ici rien chercher ou espérer que bataille.
Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne. Suisse XVI°

C’est à bon droit qu’Aristote dispute aux Politiques si la multitude d’enfants doit être réputée entre les félicités ; ce qu’il nie si une bonté et excellence de nature n’est aussi conjointe aux enfants. Et certes la perte de lignée ou stérilité d’enfants serait plus heureuse à beaucoup que l’abondance d’enfants pleine de pleurs et gémissements.
Jean Calvin, Commentaires sur les psaumes. Suisse XVI°


~ Depuis qu’il nous a créés et mis au monde, ce prétendu Dieu de bonté laisse triompher le mal, régner le vice et accable notre pauvre globe des catastrophes les plus variées.
~ Mieux vaudrait pour les hommes n’être jamais sortis du Néant ! 
Pierre Cami, Les mémoires de Dieu-le-Père. France XX°


~ Si j’avais pu choisir mon père, je ne serais pas né.
~ Ce monde, tel qu’il est fait, n’est pas supportable.
~ Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux.
~ A mon âge, on sait que la vie n’est pas bonne. Mais si le mal est sur la terre, pourquoi vouloir y ajouter ?
Albert Camus, Caligula. France XX°

~ Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie.
~ Vivre, c’est faire vivre l’absurde. 
Albert Camus, Le mythe de Sisyphe. France XX°

~ (La mère) : Je ne puis plus supporter de vivre.
(La fille) : Mais qu’est-ce donc qui peut être plus fort que la détresse de votre fille ?
(La mère) : La fatigue peut-être, et la soif du repos.
~ A quoi bon ce grand appel de l’être, cette alerte des âmes ? Pourquoi crier vers la mer ou vers l’amour ? Cela est dérisoire.
~ Comprenez que votre douleur ne s’égalera jamais à l’injustice qu’on fait à l’homme et pour finir, écoutez mon conseil. [...] Priez votre Dieu qu’il vous fasse semblable à la pierre. C’est le bonheur qu’il prend pour lui, c’est le seul vrai bonheur.
Albert Camus, Le malentendu. France XX°

~ A mort le monde ! Ah, si je pouvais l’avoir tout entier devant moi, comme un taureau qui tremble de toutes ses pattes, avec ses petits yeux brûlants de haine et son mufle rose où la bave met une dentelle sale ! Aïe ! Quelle mi­nute. Cette vieille main n’hésiterait pas et le cordon de la moelle serait tranché d’un coup et la lourde bête foudroyée tomberait jusqu’à la fin des temps à travers d’interminables espaces !
~ Plus on supprime et mieux vont les choses. Et si on supprime tout, voici le paradis ! Les amoureux, tenez ! J’ai horreur de ça ! [...] Et les enfants, cette sale engeance !
~ Il faudra bien que tout s’achemine vers l’accomplissement dernier qui est le silence et la mort.
Albert Camus, L’état de siège. France XX°

~ Paris est un vrai trompe-l’oeil, un superbe décor habité par quatre millions de silhouettes. Près de cinq millions, au dernier recensement ? Allons, ils auront fait des petits. Je ne m’en étonnerai pas. Il m’a toujours semblé que nos concitoyens avaient deux fureurs : les idées et la fornication. A tort et à travers, pour ainsi dire.
~ J’ai connu un cœur pur qui refusait la méfiance. Il était pacifiste, libertaire, il aimait d’un seul amour l’humanité entière et les bêtes. Une âme d’élite, oui, cela est sûr. Eh bien, pendant les dernières guerres de religion, en Europe, il s’était retiré à la campagne. Il avait écrit sur le seuil de sa maison : « D’où que vous veniez, entrez et soyez les bienvenus. » Qui, selon vous, répondit à cette belle invitation ? Des miliciens, qui entrèrent comme chez eux et l’étripèrent.
~ Chaque homme a besoin d’esclaves comme d’air pur. Commander, c’est respirer. [...] Et même les plus déshérités arrivent à respirer. Le dernier dans l’échelle sociale a encore son conjoint, ou son enfant. S’il est célibataire, un chien. L’essentiel, en somme, est de pouvoir se fâcher sans que l’autre ait le droit de répondre. « On ne répond pas à son père », vous connaissez la formule ?
Albert Camus, La chute. France XX°


~ Avant ma naissance, tout allait très bien pour moi.
~ C’est à la naissance que l’homme est à plaindre, non à son trépas.
~ Le nouveau-né pleure car il pressent que ses ennuis commencent.
Xavier Canonne, Yasmine Bazar. Belgique XX°


~ Nous n’avons pas choisi de naître et nous nous estimons heureux de ne survivre nulle part à cette vie, qui nous fut imposée plus qu’elle ne nous fut donnée, vie pleine de soucis et de douleurs, aux joies problématiques ou mauvaises.
~ Heureux les morts ! et malheureux trois fois ceux qui, pris de folie, engendrent ! heureux les chastes ! heureux les stériles ! heureux même ceux qui préfèrent la luxure à la fécondité !
~ Les Onanistes et Sodomites sont moins coupables que les pères et les mères de famille, parce que les premiers se détruiront eux-mêmes et que les seconds détruiront le monde, à force de multiplier les bouches inutiles.
Albert Caraco, Bréviaire du chaos. France XX°


Os : Je suis né d’un accouchement naturel. Du paradis, je descendis, à travers la fente, dans cette galaxie de douleurs. Je ne l’oublierai jamais et ne le lui pardonnerai jamais, à elle. Purgé hors de l’utérus, bousculé vers le bas du long passage, le cordon ombilical autour du cou, le grognement, le gémissement, le sang, la merde, la pisse et le premier cri, c’était le point de non-retour. Le dur début d’un dur voyage, je vous le dis. Je ne souhaiterais pas la vie à mon pire ennemi, j’avorterais.
Marina Carr, Low in the dark. Irlande XX°


~ J’ai frappé la dépouille graisseuse de l’humanité avec des poings durcis de haine.
~ La vie ne serait supportable que si on la passait à dormir.
~ Chaque être humain que je voyais me remplissait de dégoût au point que je n’osais plus m’approcher de la fenêtre pour regarder dans la rue. […] Je n’ai jamais aimé mes semblables, mais, ce jour-là, leur vue même violait ma sensibilité au point de devenir presque une douleur physique.
~ Un mince cordon ombilical se déroula lentement depuis le centre de l’Œuf et s’approcha de moi en rampant sur le sol à la manière d’un serpent. […] Le cordon ombilical se serrait autour de mon cou comme pour m’étrangler.
~ L’angoisse qu’elle en ressentait était pire que celle que l’on éprouve lorsque l’on va donner naissance à une portée de chiots.
~ Je suis un génie, répondit l’artisane, car je me suis exercée à transmuer tout l’amour de mon corps en énergie, et toute ma haine, qui est aussi une grande force, je me suis exercée à la transformer en pensée. Ma matrice n’est pas plus grande qu’un grain de riz, car sa puissance a été totalement utilisée à découvrir. […]
– Les fonctions ordinaires d’un animal femelle : l’amour d’un homme ou la mise au monde d’enfants, ne vous ont-elles jamais manqué ?
– C’est là une question difficile à laquelle je pourrais répondre « oui », ou avec une égale facilité « non ».
~ Comme je te hais, et pourtant, tout en te haïssant comme je le fais, je suis contraint de me soucier de tes misérables besoins, simplement parce que tu es moi, ce qui ne me paraît guère une raison suffisante. […] Ah, ma chère âme et mon cher cœur, vous êtes devenus si petits à force de vous dessécher, qu’à vous deux vous n’empliriez pas la peau d’un haricot sec ! Vous êtes le microbe idéal de cette maladie insensée que l’on appelle la vie. Une énigme conçue par un fou.
~ Les cordes vitales entretenues à travers la vie sont aptes à tuer la compréhension en transmettant la souffrance continuelle.
~ Quetzalcoatl gardera l’arbre de la Sagesse de l’attouchement des doigts de la femme. Elle devra rester hors de la montagne avec les morts car ses cinq doigts font rentrer l’homme dans la matrice, au sein des Limbes de l’obscurité perpétuelle.
Leonora Carrington, La porte de pierre. Angleterre XX°


~ On ne doit pas chercher bien loin pour trouver des parents qui n’auraient jamais dû avoir d’enfants. Le problème avec le pronatalisme est qu’il conduit chaque personne à croire qu’elle devrait avoir des enfants – même les personnes qui ne devraient pas avoir d’enfants. Et le pronatalisme conduit les gens à croire qu’ils ont le droit d’avoir autant d’enfants qu’ils le veulent – même les personnes qui ne devraient pas avoir d’enfants. Cela crée des problèmes qui s’étendent au-delà des familles et des enfants qui peuvent souffrir des effets d’une parentalité déficiente.
~ Le nombre d’enfants que les gens choisissent d’avoir peut aussi être jugé comme égoïste si on réfléchit aux questions démographiques et de développement durable dans le monde. Chaque naissance d’enfant produit un impact environnemental. Les spécialistes comme Chris Packham disent que si vous prenez en considération l’impact global de votre décision de parentalité, ayez un seul enfant ou aucun. […] Il est égoïste de décider de combien d’enfants nous voulons en se basant uniquement sur nos propres désirs, sans tenir compte des effets sur la planète et sur ceux qui y vivent déjà.
~ Il est évident que nous payons un lourd tribut au fait de souscrire à l’idée que n’importe qui a le droit de faire des enfants, indépendamment du fait de savoir si les gens sont émotionnellement, financièrement et psychologiquement prêts à les faire. Et il est évident que ce droit jamais questionné cause du tort à beaucoup d’enfants, aux parents eux-mêmes, et à la société.
~ Dans notre société, conduire une voiture est un privilège. Avant d’obtenir notre permis de conduire, nous devons tous montrer que nous pouvons conduire avec compétence et en toute sécurité. Pourquoi ? Si nous ne sommes pas en mesure de bien conduire, cela se traduira par des dommages causés à d’autres. Parce que la parentalité peut potentiellement causer beaucoup de tort aux enfants et à la société, et parce qu’elle est probablement le métier le plus important au monde, pourquoi n’avons-nous pas la même attitude quand il est question de faire des enfants ? La parentalité doit être considérée comme un droit privilégié, pas comme un droit automatique.
~ Quand ceux qui veulent devenir parents pensent au-delà d’eux-mêmes et adoptent, les avantages s’accumulent à la fois pour ces parents, leurs enfants adoptifs, et le monde entier.
~ Au lieu de créer des politiques fiscales qui encouragent la naissance d’enfants, le gouvernement doit mettre en place des incitants visant à réduire le nombre de naissances. […] Les parents voulant plus de deux enfants biologiques devraient être pénalisés d’une amende dont le montant soit capable de les dissuader d’avoir ce troisième enfant.
~ Faire moins d’enfants n’est pas un acte égoïste, mais bien un acte altruiste. Faire moins d’enfants biologiques est le véritable acte humanitaire car il diminue en fin de compte la souffrance des êtres humains et celle des créatures du monde naturel.
Laura Carroll, The Baby Matrix. Etats-Unis XXI°


~ Les enfants ne sont qu’une variété de serpents.
~ La porte donnait directement sur une vaste cuisine tout enfumée : assise au milieu de la pièce, sur un tabouret à trois pieds, la Duchesse était en train de bercer un bébé ; penchée au-dessus du feu, la cuisinière touillait le contenu d’un grand chaudron qui paraissait être empli de soupe. « Il y a certes trop de poivre dans cette soupe ! » se dit Alice [...] Il y en avait certes beaucoup trop aussi dans l’air. La Duchesse elle-même éternuait de temps à autre ; le bébé éternuait et hurlait alternativement sans aucune interruption. [...] « Cochon ! » [La Duchesse] jeta ce dernier mot avec une violence si soudaine qu’Alice sursauta ; mais un instant plus tard elle comprenait que la Duchesse s’était adressée au bébé, et non pas à elle. [...] La cuisinière retira du feu le chaudron de soupe et se mit aussitôt en devoir de lancer, en direction de la Duchesse et du bébé, tout ce qu’il lui tombait sous la main : d’abord les pincettes et le tisonnier ; puis une ribambelle de casseroles, de plats et d’assiettes. La Duchesse n’y prit point garde, même lorsque certains de ces ustensiles la frappèrent de plein fouet ; quant au bébé, il hurlait si fort dès avant ce bombardement, qu’il était tout à fait impossible de savoir si les coups au but lui faisaient mal ou non. [...] « Oh ! dit la Duchesse, ne venez pas me casser la tête ; j’ai toujours eu horreur des chiffres ! » Et, là-dessus, elle se remit à dorloter son enfant, tout en lui chantant une sorte de berceuse et en le secouant violemment à la fin de chaque vers :
Soyez ferme avec votre petit garnement,
Et battez-le bien fort sitôt qu’il éternue :
S’il le fait, sans nul doute, eh oui ! c’est simplement
Parce qu’il sait que ce bruit-là vous exténue. [...]
Tandis que la Duchesse chantait la seconde strophe, elle ne cessa pas de lancer le bébé en l’air et de le rattraper au vol. Le pauvre petit être hurlait tellement, qu’Alice eut quelque peine à saisir les paroles de la chanson :
Moi je suis ferme avec mon petit garnement,
Et je le bats bien fort sitôt qu’il éternue ;
Car, s’il le veut, il sait supporter bravement
Le poivre que dans ses narines j’insinue ! [...]
« Tenez ! Vous pouvez le bercer un peu, si cela vous fait plaisir ! dit la Duchesse à Alice, en lui jetant le bébé à la volée. Il faut que j’aille m’apprêter en vue de ma partie de croquet avec la reine. » [...] Alice saisit le bébé non sans difficulté, car c’était un petit être bizarrement conformé qui allongeait bras et jambes dans tous les sens : « Tout comme une étoile de mer », pensa Alice. Le pauvre petit, lorsqu’elle le prit dans ses bras, haletait comme une machine à vapeur et ne cessait de se tortiller comme un ver, de sorte que, durant les deux minutes qui suivirent, Alice eut toutes les peines du monde à l’empêcher de tomber. Dès qu’elle eut trouvé la bonne manière de le maîtriser (il fallait le replier, de façon à en faire une sorte de nœud, puis s’assurer une prise solide sur son oreille droite et sur son pied gauche, pour empêcher le nœud de se défaire), elle sortit avec lui à l’air libre. « Si je ne prends pas cet enfant avec moi, pensa Alice, il va sûrement se faire tuer en moins d’un jour ou deux : ne serait-ce pas un crime que de l’abandonner dans un pareil lieu ? » Elle prononça  ces derniers mots à haute voix, et le petit être répondit par un grognement (il n’éternuait plus, pour l’instant). « Ne grogne donc pas, lui dit Alice, ce n’est pas ainsi que l’on doit s’exprimer. » Le bébé grogna de plus belle, et Alice regarda avec inquiétude son visage en se demandant ce qui, en lui, laissait à désirer. Il avait sans conteste un nez très retroussé qui ressemblait bien plus à un groin qu’à un vrai nez ; d’autre part, ses yeux devenaient bien petits pour des yeux de bébé ; à tout prendre, il y avait dans sa physionomie quelque chose qui ne plaisait pas du tout à Alice. Mais peut-être étaient-ce ses sanglots qui le défiguraient ainsi, pensa-t-elle en le regardant de nouveau dans les yeux pour voir s’il y avait, en eux, des larmes. Non, il n’y en avait pas. « Si tu es sur le point de te transformer en cochon, mon cher, lui dit Alice sans rire, je ne veux plus en rien avoir affaire avec toi. Prends-y garde ! » Le pauvret se remit de bon cœur à sangloter (ou à grogner, il était impossible de dire au juste s’il faisait l’un ou l’autre) et la promenade se poursuivit pendant quelque temps sans que fût prononcé aucun autre mot. Alice était très précisément en train de commencer à se demander : « Voyons, que vais-je faire de cette créature quand je l’aurai amenée à la maison ? » lorsque son protégé se mit à grogner de nouveau, avec une violence telle qu’Alice, quelque peu alarmée, abaissa le regard vers son visage. Cette fois, il ne pouvait plus y avoir l’ombre d’un doute : c’était bel et bien un cochon qu’elle avait sous les yeux, et elle comprit qu’il serait tout à fait absurde de le porter dans ses bras plus longtemps. Elle posa donc par terre le petit être, et éprouva un certain soulagement à le voir trottiner sans trop de hâte vers le bois où il pénétra. « En grandissant, se dit-elle, ce fût devenu un enfant terriblement laid ; mais cela fait, je trouve, un assez joli cochon. » Elle se mit à penser à d’autres enfants de sa connaissance, qui eussent fait de remarquables cochons, et elle était précisément en train de se dire : « Si seulement l’on connaissait le moyen de les transformer... »
~ « A propos, dit-il, qu’est devenu le bébé ? J’allais oublier de vous le demander. »
« Il s’est changé en cochon », répondit Alice.
Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles. Angleterre XIX°

« N’avez-vous jamais fait une pièce de théâtre avec la vie réelle ? dit le comte. Essayez donc maintenant. » […] C’était vraiment admirable, dès que je fus entré dans le jeu. Même un porteur poussant un chariot bourré de valises semblait si réaliste que l’on était tenté d’applaudir. Il était suivi par une mère en colère, le visage rouge vif, traînant deux enfants hurlant, et qui criait à quelqu’un derrière : « John ! Viens donc ! » Entre John, très humble, très silencieux, et chargé de paquets. Et il est suivi à son tour par une petite bonne terrifiée, portant un gros bébé, hurlant aussi. Tous les enfants hurlaient. « Remarquable séquence ! dit le comte à part soi. Avez-vous remarqué l’air terrifié de la bonne ? C’était absolument parfait ! » […] Je me demande si Shakespeare pensait à la même chose, dis-je, quand il écrivit : « Le monde entier est un théâtre » ? Le vieil homme soupira. « C’en est vraiment un, de quelque manière que vous le considériez. La vie est vraiment un drame ; un drame sans beaucoup de rappels, et sans applaudissements à la fin ! »
Lewis Carroll, Sylvie et Bruno. Angleterre XIX°

L’idée qui m’a paru éclipser toutes les autres est celle d’éternité, ce qui implique, à ce qu’il paraît, le nécessaire épuisement de tous les sujets d’intérêt humain. […] Quand je me transporte en pensée à travers quelques milliers ou millions d’années, et m’imagine posséder autant de science qu’une raison humaine peut en contenir, je me demande : et alors ? Quand on n’a plus rien à apprendre, est-il possible de se reposer, satisfait de son savoir, avec l’éternité devant soi ? Cette pensée m’a beaucoup troublé. J’ai souvent imaginé que l’on pourrait dire, dans ce cas, « mieux vaut ne pas être », et implorer l’anéantissement individuel, le « nirvâna » des bouddhistes.
Lewis Carroll, Sylvie et Bruno – suite et fin. Angleterre XIX°


~ Je méprise la vie.
~ A très bien et très profondément raisonné celui qui a dit : « Personne n’accepterait la vie si elle était donnée à ceux qui savent. » C’était Sénèque ; et je le dis aussi. Si l’on suppose la préexistence de l’âme en toute tranquillité, il est impossible d’imaginer qu’elle, qui est bien informée de tout ce qui arrive en général à l’homme dans cette vie et de tous les maux auxquels il doit être soumis, permette d’entrer dans un corps.
~ La vie est, généralement parlant, un mal, un vrai malheur.
~ S’il y a une obligation entre père et fils, c’est plutôt le père qui l’a envers son fils que le fils envers son père.
~ Illusion est la vie elle-même, si l’on considère qu’elle est prise pour un bien alors qu’il est évident que c’est un vrai mal.
~ L’homme […] aurait pu être toujours jeune et n’avoir pas besoin de se reproduire et d’élever des enfants, énormes malheurs de leurs parents.
Giacomo Casanova, Dialogues sur le suicide. Italie XVIII°


Je fus pris de dégoût, et maudis ma naissance,
Et maudis le Soleil qui fait l’homme vivant. […]
Et tout, l’homme et les Dieux ; le Soleil et la Lune,
Etant précipité dans la fosse commune,
Heureux de contempler enfin le Vrai Néant,
Je reposais mon âme, et je mourais content !
Jean Caselli alias Henri Cazalis alias Jean Lahor, Dies irae
France XIX°


Tous les Cathares condamnent le mariage, la procréation issue de la matière mauvaise qui, en proliférant, perpétue le mal.
[Cathares] (mouvement chrétien médiéval). Extrait de : Christine Thouzellier, article « Cathares », Encyclopaedia Universalis, 1985

~ « Toute chair est l’œuvre du diable ».
~ Le fœtus, tout entier, est l’œuvre du mauvais principe ; il est démon pur et simple. Il va jusqu’à contaminer la femme qui le porte, qui se trouve en état de péché irrémissible jusqu’à sa délivrance.
~ [Voilà] qui s’insère bien dans le contexte cathare de réprobation de la procréation : le Parfait ne devait pas donner le consolamentum des mourants à une femme enceinte.
[Cathares] Extraits de : Jean Duvernoy, La religion des Cathares.

L’idéal du cathare était la disparition de l’humanité, par le suicide et par le refus d’avoir des enfants.
[Cathares] Extraits de : Mircea Eliade, Histoire des croyances et des idées religieuses.


Je ne croirai jamais plus qu’un Dieu bon, dans sa folie, a pu créer l’Univers. […] Si Dieu existe, de fait, c’est un être cruel.
Michel Cazenave, La chute épouvantable. France XXI°. Texte publié in Antoine Faivre (dir.), La chute : de l’exil à la rédemption.


~ – Et toi Jeanne quand est-ce que tu t’y mets ?
– Quand le monde sera sans guerre, sans faim, sans pédophilie, sans chômage, sans terrorisme, sans vidéosurveillance, sans machos, sans armes, sans cons, sans tourisme sexuel, sans frontières, sans tsunami, sans accidents de voiture, sans violence, sans SDF, sans MST, […] sans cancer, sans douleur, […] alors je réfléchirai à la question !
~ Je vous propose un geste simple pour sauver la planète : arrêtons de faire des enfants !
~ On me dit que je suis immature. Moi ce que je trouve immature, c’est de faire des enfants sans réfléchir à tout ce que cela implique.
~ Les médias nous terrorisent avec des informations toujours plus catastrophiques et pessimistes sur l’avenir. Comment peuvent-ils en même temps nous juger sur notre réticence à faire naître un gosse dans un tel monde ?
Véronique Cazot et Madeleine Martin, Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? : Celle qui ne voulait pas d’enfant. France XXI°


Elle n’en ratait jamais une ma mère pour essayer de me faire croire que le monde était bénin et qu’elle avait bien fait de me concevoir. C’est le grand subterfuge de l’incurie maternelle, cette Providence supposée.
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit. France XX°

~ Avec ma naissance en plus, on s’enfonçait dans la mistoufle.
~ Ma mère [...]. Elle a tout fait pour que je vive, c’est naître qu’il aurait pas fallu.
Louis-Ferdinand Céline, Mort à crédit. France XX°

Il n’y a que la souffrance qui existe en ce monde. Il n’y a ni pensée, ni cœur, ni rien – Il n’y a que souffrir ou ne pas souffrir, être ou ne pas être – on s’en fout ! Tout le monde s’en fout !
Louis-Ferdinand Céline, Lettre (07 mars 1949). France XX°


~ Tant qu’ils auront envie de tuer, ils ne perdront pas le goût de procréer.
~ L’homme ose encore se permettre des cruautés, alors qu’il commet déjà tranquillement et à plusieurs reprises l’acte le plus cruel de tous : procréer, livrer aux horreurs de la vie des êtres qui ne sont pas et ne souffrent aucune douleur.
Guido Ceronetti, Le silence du corps. Italie XX°

~ Une conscience qui réfléchit ne peut que s’abstenir de propager l’espèce. Celui qui a une vraie conscience ne peut tolérer l’excès, le débordement de douleur dans un monde dominé par la démesure humaine, et freiner, limiter les naissances est avant tout un pur acte de compassion. Les nombreux enfants sont le fruit de l’ignorance, de l’insensibilité morale et de la bigoterie.
~ Si tu es un ami de la vie, tu dois être un ennemi de la reproduction humaine. Si tu aimes les êtres humains, garde-toi d’en reproduire l’espèce.
Guido Ceronetti, Insectes sans frontières. Italie XXI°


Le mal faire et le mal dire, nous l’héritons de nos premiers parents, nous le suçons avec le lait.
Miguel de Cervantes, Dialogue des chiens Scipion et Berganza. Espagne XVII°


~ Notre naissance et notre mort sont une seule chose. On ne peut pas avoir l’une sans l’autre. C’est un peu amusant de voir comment les gens, lors d’un décès, sont si tristes et larmoyants, et, lors d’une naissance, si heureux et réjouis. C’est du délire. Je pense que si vous voulez vraiment pleurer, alors il serait préférable de le faire quand quelqu’un naît. Pleurez à la racine, car s’il n’y avait aucune naissance, il n’y aurait aucune mort. Pouvez-vous comprendre cela ?
~ Si vous avez peur des maladies, si vous avez peur de la mort, alors vous devriez considérer avec attention d’où elles proviennent. D’où proviennent-elles ? Elles résultent de la naissance. Donc, ne soyez pas triste quand quelqu’un meurt – c’est juste la nature, et sa souffrance dans cette vie est finie. Si vous voulez être triste, soyez triste quand les gens naissent.
Ajahn Chah, No Ajahn Chah – Reflections. Thaïlande XX°


Si le chagrin comme le feu faisait de la fumée,
L’univers en serait à jamais obscurci.
Tu pourras parcourir de bout en bout ce monde
Sans rencontrer un sage dans la joie.
Chahid de Balkh, Le chagrin. Perse X°


~ On ne peut s’empêcher de voir, à moins d’être stupide, que le mal est grand et ordinaire, le bien chétif et rare.
~ Tout dans le monde souffre et gémit.
Paul-Armand Challemel-Lacour, Etudes et réflexions d’un pessimiste. France XIX°


~ Vivre est une maladie dont le sommeil nous soulage toutes les seize heures. C’est un palliatif. La mort est le remède.
~ Les rois et les prêtres, en proscrivant la doctrine du suicide, ont voulu assurer la durée de notre esclavage. Ils veulent nous tenir enfermés dans un cachot sans issue.
~ Il est malheureux pour les hommes, heureux peut-être pour les tyrans, que les pauvres, les malheureux, n’aient pas l’instinct ou la fierté de l’éléphant qui ne se reproduit point dans la servitude.
Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées.
France XVIII°


Puissé-je ne jamais retourner à la membrane brillante, qui dévore sans dents – ne jamais retourner à la membrane.
Chândogya Upanishad. Inde VII° AC
Note : la membrane, selon le commentaire, désigne le sein maternel, et plus précisément l’amnios ou le placenta… On sait que le but de la spiritualité indienne est d’échapper à la douleur de renaître.


Mon âme, il est insensé de retenir celui qui est las de la vie ; conduis-moi donc vers la mort  avant que son temps ne soit venu. […] La mort est aujourd’hui devant moi comme la guérison après une maladie, comme la première sortie après un accident. […] La mort est aujourd’hui devant moi comme un chemin familier, comme le retour de l’homme qui s’en revient de guerre vers sa maison. […] La mort est aujourd’hui devant moi comme le désir que l’on a de revoir sa maison après que l’on a passé de nombreuses années en captivité.
Le chant du désespéré. Egypte XX° AC


C’est Joseph Conrad qui écrivait à un ami que la vie lui donnait l’impression d’être un rat aveugle dans un coin, attendant de se faire assommer. Cette comparaison pourrait fort bien s’appliquer aux tristes circonstances que nous connaissons tous.
Charlie Chaplin, Histoire de ma vie. Angleterre XX°

Henri Verdoux : C’est l’approche de la mort qui terrifie.
La fille : Je suppose que si le non-né avait conscience de l’approche de la vie, il serait tout aussi terrifié.
Charlie Chaplin, Monsieur Verdoux. Angleterre XX°


~ Tache de naissance. – Il s’était proposé de leur servir d’exemple.
Harassé de leur monde,
Il laisse pousser la corne de sa sensibilité,
Il n’aspire plus qu’au confort de la mort.
~ Mort, tu nous étends sans nous diminuer. Droite somnambule que nos mères voraces, conquises en leur grossesse, avaient léchée, me voici devant toi moins inquiet que la paille. […] Mes yeux nouveaux d’éternité. Battez, billes de sang, dans la fiente des nids.
René Char, Moulin premier. France XX°

~ L’optimisme des philosophies ne nous est plus suffisant.
~ Sur cette terre des périls, je m’émerveille de l’idolâtrie de la vie.
René Char, Le météore du 13 août. France XX°

~ Nul homme, à moins d’être un mort-vivant, ne peut se sentir à l’ancre en cette vie.
~ L’histoire des hommes est la longue succession des synonymes d’un même vocable. Y contredire est un devoir.
~ Le malheur se récompense souvent d’une affliction plus grande.
~ La douleur est le dernier fruit, lui immortel, de la jeunesse.
René Char, L’âge cassant. France XX°

Un couteau traînait, hasard ou bonheur.
L’homme se tua, liberté en main.
René Char, Huis de la mort salutaire. France XX°


~ Supprimons les aides familiales. Il ne faut évidemment pas que cette mesure soit rétroactive et s’applique aux familles qui ont déjà pondu leur progéniture, mais il faut déclarer qu’à l’avenir les familles ne toucheront plus un rond à chaque nouvelle mise au monde.
~ Les allocations familiales ont d’abord pour but d’encourager les Français à se multiplier. Un pays fort est un pays qui a beaucoup de soldats à envoyer au front et beaucoup de main-d’œuvre à envoyer dans les usines de canons. Tu ponds pour la France, tu as une prime. L’État a mené et mène encore une politique nataliste. Tous les ans, lorsque la presse annonce que la France est le deuxième pays de l’Union européenne derrière l’Irlande pour son taux de natalité, on est prié de se réjouir, on est prié d’être fier.
~ Aujourd’hui, pourquoi l’État devrait-il poursuivre sa politique nataliste? Quel avantage pour la France d’avoir une armée de chômeurs? Et puis est-il légitime que l’État secoue la braguette de ses citoyens pour les pousser à croître et à multiplier ? Depuis des siècles, l’Église, relayée par la République, bourre le crâne du peuple afin qu’il se persuade qu’il n’y a rien de plus beau que de donner la vie. Il est temps de résister à ce conditionnement imbécile.
Charb (Stéphane Charbonnier), La politique du zéro enfant (in Charlie Hebdo, 02 avril 2013). France XXI°


Je ne fus né fors pour tout mal avoir
Et soutenir les assauts de fortune.
Qu’est-ce que bien ? Je ne le puis savoir,
N’onques n’en eus ni n’ai joie aucune.
Je fusse mieux tout mort cent fois contre une
Que de vivre si douloureusement.
Alain Chartier, Ballades. France XV°


Qu’est-ce que d’être mort ? – que n’être plus au monde.
Avant que naître au monde, enduriez-vous douleur ?
Ne point naître en ce monde, est-ce quelque malheur ?
Jean-Baptiste Chassignet, Le mépris de la vie et consolation contre la mort. France XVII°


~ Veille aussi à ne point laisser de rejetons. La question de la dépopulation est une de celles qui doivent te fournir les plus éloquentes diatribes coram populo, mais te laisser d’une indifférence absolue dans l’intimité de tes actes et de tes pensées. Que t’importe, n’est-ce pas, que la France se dépeuple ou non ? « La France se meurt ! » crient les pessimistes. Epargnez-lui donc, Messieurs, votre discordant tumulte, et, pour rappeler une parole de Renan, « laissez-la mourir en paix. » Ainsi, mon jeune ami, tu seras malthusien. Et tu obligeras tes maîtresses à être malthusiennes, sous peine de déchéance immédiate.
~ Bon seulement à faire des enfants comme le premier charretier venu.
~ N’oublie pas, dans les bras charmants des amoureuses qui se donneront exclusivement à toi, les élémentaires prescriptions de la bonne déesse Stérilité.
~ Si quelque malchance te poursuivait ; si le hasard un jour lançait […] un spermatozoïde aveugle dans l’ovaire, alors, n’hésite point, mon cher Catulle, conduis sur-le-champ ta maîtresse dans l’un de ces entresols semi-obscurs où, pour une centaine de francs, une sage-femme bienveillante, habile et d’une prudence éprouvée, délivrera ta maîtresse de l’occulte fruit du péché, et toi-même de l’affreux cauchemar qui troublait tes nuits. D’aucuns qualifieraient ces manœuvres d’abortives, toi, mon jeune ami, qui connaîtras l’art des euphémismes, tu diras simplement à ta maîtresse que tu la fais soigner.
Henri Chateau, Manuel de l’arriviste. France XX° 


~ Le législateur des chrétiens naquit d’une vierge, et mourut vierge. N’a-t-il pas voulu nous enseigner par là, sous les rapports politiques et naturels, que la terre était arrivée à son complément d’habitants, et que, loin de multiplier les générations, il faudrait désormais les restreindre ?
~ Hélas ! misérables insectes que nous sommes ! bourdonnant autour d’une coupe d’absinthe, où par hasard sont tombées quelques gouttes de miel, nous nous dévorons les uns les autres lorsque l’espace vient à manquer à notre multitude. Par un malheur plus grand encore, plus nous nous multiplions, plus il faut de champ à nos désirs. De ce terrain qui diminue toujours, et de ces passions qui augmentent sans cesse, doivent résulter tôt ou tard d’effroyables révolutions.
François-René, vicomte de Chateaubriand, Le génie du christianisme. France XIX°

Après le malheur de naître, je n’en connais pas de plus grand que celui de donner le jour à un homme.
François-René, vicomte de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe. France XIX°


Du temps que j’étais souris blanche
je suis sorti de souricière
au jour perdu de ma naissance
mais je n’ai pas gagné au change
Achille Chavée, [Sans titre]. Belgique XX°

Je suis […] l’enfant déshérité qui n’aurait pas dû naître
Achille Chavée, Identité. Belgique XX°


Il vaut mieux n’être pas que d’être misérable.
André Chénier, Premières poésies. France XVIII°


Normalement, il est interdit d’apporter sa boisson, dit le garçon à la jeune femme qui allaite son bébé en terrasse. Elle se lève, furieuse, et s’en va ! Encore un petit bonhomme dont l’enfance va être une fameuse partie de rigolade.
Éric Chevillard, L'autofictif (blog – billet du 29 mai 2012). 
France XXI°

~ En faveur de la mort, nous dirons aussi qu’avant d’être finalement la seule recevable, elle fut en toutes circonstances déjà la deuxième solution possible.
~ Or cela est terrible : le visage du fou, dévoré de tics, défiguré par l’angoisse, reflète en effet comme un calme miroir la réalité de ce monde.
~ Nous mettons imperturbablement des bébés au monde sans ignorer pourtant que la vie comporte des épisodes susceptibles de heurter la sensibilité des plus jeunes.
~ Il y a tout de même des degrés dans notre contentement d’être au monde : la mélancolie, la tristesse, la désolation, le désespoir.
Eric Chevillard, L’autofictif au petit pois : journal 2013-2014
France XXI°


~ Joie des êtres qui vont à la mort. Emotion, souffrance, tristesse : derrière eux ne reste qu’une vie fragile comme l’étincelle des pierres.
~ Le dernier écho de cette vie. Sa résonance annonce la félicité délivrée du monde des douleurs.
~ Que peuvent la vie et le monde contre les souffrances et pour l’amour ?
~ Il n’y a plus lieu de craindre la mort.
Chikamatsu Monzaemon, Double suicide d’amants à Sonezaki
Japon XVIII°


Nous vivons la mort par intermittence
Et la vie comme un contrat que nous n’avons pas signé.
Abraham Chlonsky, Poèmes du long couloir. Israël XX°


Il trouve une pucelle qui pleure et crie, se désolant : « Hélas, que je suis malheureuse ! Maudites l’heure de ma naissance et celle où je fus engendrée ! »
Chrétien de Troyes, Perceval ou le roman du Graal. France XII°


~ C’est la vie d’ici-bas, sur laquelle j’aurais bien des larmes à verser.
~ La mort, pour dire la vérité, nous détache des maux et non des biens.
~ Si l’attente et le désir nous jettent dans l’anxiété, dans le tourment, dans l’angoisse, grands dieux, quelle perspective heureuse que ce voyage au terme duquel il n’y aura plus trace de souci ni d’inquiétude !
~ En réalité, la mort met un terme à une vie de misère.
~ Voyons d’abord la légende bien connue des fils d’une prêtresse argienne, Cléobis et Biton. Comme chaque année, cette prêtresse devait être rituellement conduite, en char, à date fixe, jusqu’à un sanctuaire éloigné de la ville, pour un sacrifice. L’attelage tardant à venir, les deux jeunes gens dont je viens de te parler se déshabillèrent, se frottèrent le corps d’huile et s’attelèrent au char ; c’est ainsi que la prêtresse, conduite par ses deux fils, parvint au sanctuaire, et l’histoire nous dit qu’elle demanda pour eux à la déesse, en récompense de leur piété, le plus grand bonheur qu’un être humain puisse recevoir d’un dieu. Après avoir participé au festin avec leur mère, ils partirent se coucher. Au matin, on les retrouva morts. Il en fut de même pour Trophonios et Agamède. Architectes du temple d’Apollon, à Delphes, ils vinrent l’adorer et lui demandèrent un salaire à la mesure de l’ouvrage et de leur peine, soit, sans autre précision, le plus grand bien pour un être humain. Apollon leur laissa entendre qu’il le leur donnerait trois jours plus tard ; lorsque ce jour se leva, on les retrouva morts.
~ On raconte aussi une anecdote à propos de Silène, prisonnier de Midas, voici comment il le remercia de l’avoir libéré : il lui expliqua que le tout premier bonheur était, pour l’homme, de ne pas naître, et le second celui de mourir.
~ Trouver des remèdes aux douleurs, aux terreurs, aux passions. C’est l’objet essentiel de toute la philosophie.
Cicéron, Tusculanes. Rome I° AC


Nous éprouvons qu’en ce monde ténébreux l’homme vit dans la douleur et l’angoisse et que le sort l’entraîne en mille adversités ; ô bienheureuse l’âme qui laisse un tel fardeau et s’en va vers le ciel.
Cino da Pistoia, [Consolation à Dante]. Italie XIV°
Source : Thérèse Labande-Jeanroy, La poésie italienne avant Pétrarque, Paris, 1929

Le monde entier me cause ennui et répugnance. « Quelle chose donc te plaît ? » Je te réponds : « C’est de voir les hommes, en foule, s’entr’égorger. » […] Je voudrais assembler un beau cortège de plaintes et donner la mort au monde entier par cette pensée où je trouve moi-même la mort.
Cino da Pistoia, [Férocité]. Italie XIV°
Source : Thérèse Labande-Jeanroy, La poésie italienne avant Pétrarque, Paris, 1929


~ Il importe de décourager la génération, la crainte de voir l’humanité s’éteindre n’ayant aucun fondement : quoi qu’il arrive, il y aura partout assez de niais qui ne demanderont qu’à se perpétuer, et, si eux-mêmes finissaient par s’y dérober, on trouvera toujours, pour se dévouer, quelque couple hideux.
~ Ce n’est pas tant l’appétit de vivre qu’il s’agit de combattre, que le goût de la « descendance ».
~ Les parents, les géniteurs, sont des provocateurs ou des fous. Que le dernier des avortons ait la faculté de donner vie, de « mettre au monde », - existe-t-il rien de plus démoralisant ?
~ Les femmes enceintes seront un jour lapidées, l’instinct maternel proscrit, la stérilité réclamée.
~ Procréer, c’est aimer le fléau, c’est vouloir l’entretenir et l’augmenter.
~ La médiocrité de mon chagrin aux enterrements. Impossible de plaindre les défunts ; inversement, toute naissance me jette dans la consternation. Il est incompréhensible, il est insensé qu’on puisse montrer un bébé, qu’on exhibe ce désastre virtuel et qu’on s’en réjouisse.
E.M. Cioran, Le mauvais démiurge. Roumanie XX°


Et le soleil sourit pour indiquer que la fin était heureuse,
Les nourrissons n’ont aucun motif de pleur avant qu’ils ne meurent.
John Clare, Tombes de nourrissons. Angleterre XIX°


~ Plût au ciel que je ne fusse pas né ! Plût au ciel que ce moment ne fût pas venu, lorsqu’enfoncé dans le ventre jusqu’au menton je pendais dans le monde par les pieds !
~ A quoi bon vivre ? Beaucoup qui rient nourrissent ce tremblement.
~ Il ne manque pas au Néant de se proclamer par une bouche qui puisse dire : Je suis.
~ Rien n’est meilleur que le Néant.
Paul Claudel, La ville (1ère version). France XIX°


Décréter l’abolition des naissances, on va tous crever, alors c’est péché d'enfanter. Parties de foot obligatoires dans les écoles avec les fœtus avortés, j’imaginais déjà les futures mères en train de s’enchaîner. Pour les petits enfants encore en vie, et en codicille de notre politique familiale, une cartouchière de préservatifs sera suspendue tous les ans autour de chaque sapin de Noël.
Guillaume Clémentine, Le petit malheureux. France XX°


~ On peut envisager l’anti-natalisme comme faisant partie d’une philosophie plus large, décrite ici comme « réjectionnisme », qui trouve l’existence – directement ou indirectement, à savoir via la procréation – profondément problématique et inacceptable.
~ Approuver l’existence revient à fermer les yeux sur le mal, voire à encourager le mal, bien qu’involontairement. Il s’en suit que ceux qui soutiennent et souscrivent à l’existence sont responsables, ne serait-ce qu’indirectement, des crimes commis par l’humanité.
~ On ne peut considérer plus longtemps le natalisme comme un comportement « naturel » qui ne requiert aucune justification. Pourquoi nous souhaitons perpétuer l’existence humaine, malgré toutes les souffrances de celle-ci, exige une réponse claire et rationnelle plutôt qu’une réponse incohérente ou conventionnelle.
~ La procréation implique l’asservissement d’autrui. 
~ Le « réjectionnisme » émet une double objection contre l’entreprise de la procréation. Elle enrôle de force des êtres sensibles dans une vie de contrariétés et de souffrances qui pourrait leur être épargnée. Deuxièmement, elle perpétue le jeu inutile et absurde de l’existence.
~ Le principe sous-jacent au « réjectionnisme » est qu’il est mal de soumettre un être sensible à la douleur et à la souffrance si cela peut être évité, ce qui peut être accompli en s’abstenant de procréer.
~ L’anti-natalisme [est] une approche philosophique qui rejette la procréation dans le but d’empêcher la souffrance.
~ Le « réjectionnisme » est un point de vue philosophique qui s’oppose à l’existence. Il trouve que la vie est intrinsèquement et profondément défectueuse en de multiples façons. Tout d’abord et surtout, la vie inflige une quantité excessive de douleur et de souffrance ; ensuite, elle est totalement inutile en ce qu’elle est sans aucun but ni finalité en tant que telle hormis sa propre perpétuation. Troisièmement, l’existence humaine est particulièrement condamnable en ce qu’elle inflige la vie consciemment à des êtres sensibles innocents, à savoir les enfants, qui n’ont pas demandé à voir le jour et sont donc victimes d’un enrôlement forcé dans le processus inutile de la naissance [et] de la mort. Massacrer et manger des animaux, ainsi que les soumettre à des cruautés de toutes sortes, est un autre trait de l’existence humaine. Le « réjectionnisme » porte sur le rejet moral et métaphysique de l’existence pour ces raisons. La principale conséquence du « réjectionnisme » moderne et laïc est l’abstention de la procréation. Un autre nom pour le « réjectionnisme » pourrait donc être anti-natalisme philosophique.
~ Le nihilisme est une croyance, si l’on peut ainsi le décrire, qui ne croit en rien. Il n’épouse aucune valeur. Le « réjectionnisme », en revanche, est avant tout motivé par la compassion pour tous les êtres vivants et leurs souffrances.
~ On peut considérer le « réjectionnisme » comme optimiste dans la mesure où il maintient l’espoir de libérer les êtres humains de l’asservissement à la nature, du mal de l’existence et de l’immoralité de la procréation.
~ La procréation impose l’existence à des êtres qui n’ont pas choisi de naître. Elle équivaut à une forme d’esclavage ou de conscription, ce qui est un acte immoral comptant deux chefs d’accusation : violer l’autonomie d’un être potentiel, et l’exposer à la douleur et à la souffrance.
Ken Coates, Anti-natalism : rejectionist philosophy from Buddhism to Benatar. Angleterre XXI°


~ La torture mentale infligée par ma mère a atteint son maximum. […] J’ai alors décidé qu’avant le mois suivant, je ne resterais plus seulement assis sur le toit en songeant à sauter, j’allais vraiment me tuer.
~ J’aime pratiquer des incisions dans le ventre des nourrissons, et baiser les plaies jusqu’à ce que l’enfant meure. […] J’aime assassiner, de deux maux, le moindre et le plus grand. J’aime mettre Dieu en accusation. J’aime avorter le Christ.
~ Lois sur la Procréation Obligatoire. Traînez-moi en justice. Avortement obligatoire. Vaccinations refusées. […] Balance des œufs sur ton ennemi. Des fœtus symboliques de poulet sur les anti-avortement.
~ Le plus beau jour que j’aie jamais vécu est celui où le lendemain n’est jamais venu.
~ Venez vous pendre au cordon ombilical.
~ Ce bref arrêt au stand qu’on appelle la vie, dont nous nous préoccupons si intensément, n’est rien d’autre qu’un petit week-end passé en prison, comparé à ce qui viendra avec la mort.
~ Vous n’avez pas réussi à conditionner la jeunesse souterraine que vous avez engendrée. Vous-mêmes auriez dû rester sur des kleenex, ou sous la forme d’œufs brouillés ou pochés de sperme neutralisé.
~ Cet album est dédié à ceux de nos parents qui sont morts. Ils sont en sécurité, bien au chaud et sourient avec bonheur.
~ Je me déteste et je veux mourir. Foutez-moi la paix.
Kurt Cobain, Journal. Etats-Unis XX°


~ J’ai traversé des périodes tellement insupportables que la mort me semblait quelque chose de délicieux. […] Vivre me déroute plus que mourir.
~ « Je sens une difficulté d’être » [soupirait Fontenelle au moment de mourir], seulement la sienne est de la dernière heure, la mienne date de toujours.
Jean Cocteau, La difficulté d’être. France XX°


Mon cœur ralenti fut simplement triste, quand pour la première fois
J’examinai le visage de la faible enfance :
Car obscurément sur mon esprit pensif fit irruption
Tout ce que j’avais été, et tout ce que mon enfant pourrait être !
Samuel Taylor Coleridge, A un ami qui me demanda comment je me sentis lorsque la nourrice me présenta pour la première fois mon enfant. Angleterre XVIII°


~ Nous pouvons nous demander pour la première fois : « Pourquoi ai-je des enfants ? Pourquoi est-ce que je veux mettre des enfants au monde ? ». Par devoir ? Mais d’où me vient ce devoir ? Et subsiste-t-il dans un monde surpeuplé ?
~ Si l’on interroge encore aujourd’hui la non-maternité : « Pourquoi n’avez-vous pas d’enfants ? », le temps viendra, est venu, d’interroger la maternité : « Pourquoi avez-vous des enfants ? »
~ Etre mère, ce n’est pas contrebalancer le pouvoir du père ou de la société masculine, mais le renforcer.
Françoise Collin (fondatrice des Cahiers du Grif). Belgique XX°. Extraits d’un texte publié in Les enfants des femmes (Les Cahiers du Grif, 1992)

La sacralisation au moins idéologique de la maternité a souvent été un moyen habile de maintenir les femmes dans leur asservissement. Les politiques fasciste et nazie ont tout particulièrement exploité cet argument.
Extrait d’un texte collectif non signé (Introduction) in Les enfants des femmes. (Les Cahiers du Grif, 1992)


~ Comme nous sommes malheureux, nous autres, les petits garçons. Tout le monde nous gronde, tout le monde nous sermonne, tout le monde nous donne des conseils.
~ « Ce pays n’est pas fait pour moi ! Je ne suis pas né pour travailler. » En attendant, la faim le tourmentait car il y avait bien vingt-quatre heures qu’il n’avait rien mangé.
~ Depuis que je suis au monde, je n’ai jamais eu un quart d’heure de bien-être.
Carlo Collodi, Les aventures de Pinocchio. Italie XIX°


~ Il y a des gens qui ont des enfants parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’offrir un chien.
~ Si vous ne voulez pas être malade, si vous ne voulez pas mourir, le mieux, c’est encore de ne pas naître. Avec la capote Nestor, je ne suis pas né, je ne suis pas mort.
Coluche, Pensées et anecdotes. France XX°


Il n’y a pas de plus sombre ennemi de l’art véritable que le landau dans le vestibule.
Cyril Connolly, Ce qu’il faut faire pour ne plus être écrivain. Angleterre XX°


Il y a – disons – une machine. Elle a évolué d’elle-même (je suis sévèrement scientifique) à partir d’un chaos de débris de fer et regarde ! – elle tricote. Je suis horrifié par cet horrible travail et en reste épouvanté. […] La pensée la plus flétrissante est que cette chose infâme s’est faite d’elle-même : faite d’elle-même sans pensée, sans conscience, sans prévoyance, sans yeux, sans cœur. C’est un tragique accident – et il s’est produit. On ne peut pas le contrecarrer. La dernière goutte d’amertume réside dans le soupçon qu’on ne peut même pas fracasser cette machine. […] Elle nous tricote dedans et elle nous tricote dehors. Elle a tricoté le temps, l’espace, la douleur, la mort, la corruption, le désespoir et toutes les illusions – et rien n’a d’importance.
Joseph Conrad, Lettre à Cunninghame Graham (1897). Pologne XIX°

~ Je comprends mieux le sens de son regard, qui […] était assez large pour embrasser tout l’univers, assez perçant pour pénétrer tous les cœurs qui battent dans les ténèbres. Il avait résumé – il avait jugé : « L’horreur ! »
~ Il ne voulait rien de plus que la justice – rien de plus que la justice. […] Il semblait me regarder fixement […] avec ce large et immense regard embrassant, condamnant, exécrant tout l’univers. Il m’a semblé entendre le cri murmuré : « L’horreur ! L’horreur ! ».
Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres. Pologne XIX°


~ Un psychologue me raconta qu’un garçon enfermé en ce moment dans une prison psychiatrique avait coupé la tête de sa mère et l’avait rôtie au four. Mes réflexions sur l’affaire : il avait peut-être faim.
~ Billie, huit ans, après une visite chez ses grands-parents à New-York : « Ils me torturent en me gavant de nourriture. »
David Cooper, Mort de la famille. Etats-Unis XX°


« Je n’ai pas été une bonne mère », dit [Guenièvre] de manière inattendue. [...] « Je n’aime même pas être une mère », admit-elle. « Ces [nonnes chrétiennes] vénèrent toutes la maternité, mais elles sont toutes aussi sèches que des écales. Elles pleurent sur leur Marie et me disent que seule une mère peut connaître la véritable tristesse, mais qui veut connaître cela ? » Elle posa la question farouchement. « C’est un tel gaspillage de vie ! » Elle était amèrement en colère à présent. « Les vaches font de bonnes mères et les brebis allaitent parfaitement bien, alors où est le mérite de la maternité ? N’importe quelle fille stupide peut devenir mère ! La plupart ne sont capables que de ça ! La maternité n’est pas un accomplissement, c’est une fatalité ! » Je vis qu’elle pleurait malgré sa colère. « Mais c’est tout ce qu’Arthur a jamais voulu que je sois ! Une vache qui allaite ! »
Bernard Cornwell, Excalibur : A Novel of Arthur. Angleterre XX°


Un des plus clairs effets de la présence d’un enfant dans le ménage est de rendre complètement idiots de braves parents qui, sans lui, n’eussent peut-être été que de simples imbéciles.
Georges Courteline, La philosophie de Georges Courteline.
France XX°


Les enfants, c’est un peu l’éternité à portée des caniches de l’oppression. […] Je ne répondrai pas à la tyrannie de l’espèce. Et je ne procréerai pas pour prendre ma revanche sur le sort. La vie est ailleurs.
Sylvain Courtoux, Still Nox. France XXI°


Nous périrons sous les berceaux. Nous sommes le cancer de la Terre ; la pullulation de l’espèce humaine est responsable d’une pollution ingérable par la nature. Cela est tellement évident qu’on se demande de quel aveuglement sont frappés nos dirigeants. 
Jacques-Yves Cousteau. France XX°. Cité in : Jacqueline Bousquet et Sylvie Simon, Le réveil de la conscience.


Dans la Consolation de Crantor, un certain Elysius de Térina, profondément touché par la mort de son fils, était allé demander, en un lieu où l’on évoque les âmes, la raison d’un si grand malheur ; on lui remit les trois petits vers que voici :
Les êtres à l’esprit faible errent dans l’existence ;
Euthynous est entré dans la mort par volonté divine,
Sa fin est un bienfait et pour lui et pour toi.
[Crantor, Consolation] Grèce IV° AC. Extrait de : Cicéron, Tusculanes.


~ Ma mère et moi, dis-je assez drôlement, nous ne sommes pas nés pour nous comprendre.
~ La vie n’est pas du tout ce que vous pouvez croire
Un ouvrage très simple où tout a son histoire. […]
Vous ne saurez pas plus pourquoi vous êtes triste
Que vous ne saurez l’heure où naquit votre ennui.
Las de chercher le jour, vous goûterez la nuit. […]
Il vous faudra toujours vous lever de vos sièges
Gagner d’autres chagrins, vous prendre à d’autres pièges. […]
Il vous faut acquérir le pain quotidien
D’une existence dont il ne vous faut plus rien. […]
Laissez-vous porter jusqu’aux confins
Où l’être s’abolit et renonce à ses fins. […]
Les jours s’en vont et seul l’ennui ne s’en va pas. […]
On a beau dire et faire agir et puis penser
On est le prisonnier de ce monde insensé.
~ La vie n’a pas de solution.
~ Si toutes les locomotives du monde se mettaient à siffler ensemble, elles ne pourraient pas exprimer ma détresse.
~ Mon pauvre Gorve – Pourquoi m’appelles-tu pauvre ? – Parce que tu es au monde.
~ Intoxication de l’amour semblable à celle du tabac – être assimilé à une cigarette […] par moments, je voudrais voir les mères laisser tomber leurs bébés […] un père et une mère, quelle tache !
~ Ce que je souffre n’a plus d’expression dans le langage humain. […] La seule vue des hommes me fait souffrir.
~ Je ne peux plus regarder une étoile ou lire un livre sans que l’horreur m’envahisse. […] Je ne fais que penser au suicide.
~ Que la vie est horrible. [...] Adieu, adieu, adieu. Tout, tout. La vie est atroce.
Arthur Cravan, Œuvres : poèmes, articles, lettres. Angleterre XX°


Tout le monde souffre, et tout le monde meurt. Ce qui change quand vous éliminez le facteur procréatif ? La souffrance et la mort humaine cessent avec la mort du dernier homme ou de la dernière femme. La procréation est à la fois l’initiatrice et la prolongatrice de la maladie, de l’oppression, de la famine, de la guerre et de la mort.
Jim Crawford, Confessions of an antinatalist. Etats-Unis XXI°


Nous sommes amenés, suivant le degré de notre tempérament, au désir du sommeil ou de la mort et, à force d'ardeur, souhaitons la minute qui nous libérera d'une existence que nous ne savons ordonner. Toute la vie, ainsi, rôderons-nous autour du suicide dont les législateurs ont fait un péché pour que ne soit pas désertée la terre.
René Crevel, Mon corps et moi. France XX°


La Mort nous propose un jeu que nous devons perdre, et vite, mais nous ordonne de nous lever et de nous battre, puis tourne en dérision notre vain courage. Le seul pouvoir que nous ayons peut-être contre la Mort est de ne pas nous reproduire, de ne pas lui fournir davantage de chair innocente.
Quentin S. Crisp, The psychopomps. Angleterre XXI°

~ J’ai commencé à cultiver la conviction de plus en plus forte […] que faire des enfants est une chose pire que le meurtre. Le meurtre est le raccourcissement d’une vie qui aurait de toute façon pris fin ; faire un enfant crée une mort qui aurait pu ne pas avoir lieu.
~ De mon très personnel « souhait de ne pas être né » à un universel « l’humanité n’aurait jamais dû naître », et même au-delà – il y a, je crois, quelque chose d’opportunément actuel. Nous sommes entrés dans une ère de surpopulation, de changements climatiques, de catastrophes nucléaires, d’inégalités sociales croissantes, de surveillance qui augmente jusqu’à l’omniprésence.
~ L’antinatalisme n’a rien à voir avec l’époque dans laquelle nous vivons. Il y a des gens qui pensent qu’il est mal de faire des enfants parce que le monde est surpeuplé, ou parce que l’environnement naturel est dévasté ; certains sont inquiets pour le bien-être des générations futures, ou pour celui des autres créatures, et certains le sont pour ces deux raisons, mais pour le véritable antinataliste ce ne sont, au mieux, que des questions secondaires. Pour une telle personne, les maux de l’existence humaine l’emporteront toujours, de toute évidence, sur les biens. […] La mort est certaine, la douleur tout autant, et le bonheur insaisissable. En outre, tous les immenses efforts requis pour la perpétuation de l’espèce n’ont tout simplement aucun but perceptible ou imaginable.
~ Pour nous qui vivons déjà, il est sans doute trop tard pour éviter cette vie temporaire, absurde et effrayante, mais nous pouvons l’éviter à d’autres en ne permettant pas que des spermatozoïdes fécondent des ovules humains.
~ L’espèce humaine – comme Kierkegaard en conviendrait sans aucun doute – est déjà dans le désespoir : nous devons juste supprimer le déni. Et à cette fin, l’antinatalisme pourrait s’avérer être un médicament amer mais nécessaire. Je voudrais voir l’humanité toute entière examiner minutieusement la question de savoir si l’espèce doit ou non continuer à se perpétuer.
~ Je me trouve toujours dans une position d’antinatalisme philosophique personnel, dans la mesure où je ne peux pas comprendre la décision consciente de faire des enfants. Si un enfant, de l’existence duquel je serais responsable, devait me demander pourquoi il est là, ce qui se passe après la mort, si je peux lui garantir qu’il ne subira pas un sort aussi atroce que celui que Furuta Junko a subi en 1988, que répondrais-je ? Pour moi, le fait que je n’aie pas de réponses qui ne soient ni conjectures, ni dérobades, ni dogmes, indique que le fait de faire des enfants est égoïste et cruel.
~ L’ efilism – qui provient du mot life [vie] écrit à l’envers – est une position plus radicale que l’antinatalisme standard. Il traduit la conviction que s’il y avait un bouton rouge qui pourrait instantanément éliminer toute vie sensible – humaine, animale et extraterrestre – alors, le choix moral serait de le presser immédiatement.
~ Imaginons que l’espèce humaine soit spontanément capable, avec une multilatérale bonne volonté, de se mettre d’accord sur quelque chose, et que ce quelque chose soit d’arrêter à jamais la reproduction de l’espèce. […] Pensez tout d’abord à ceci : ce ne serait pas une défaite, mais la victoire suprême. Nous retournerions les tables sur toutes choses. Nous serions en grève – en grève contre l’univers, le destin, la vie et Dieu. […] Si la mort signifie l’oubli, nous menons des vies de crainte et d’absurdité ; s’il y a une vie après la mort, nous sommes élevés comme du bétail, pour des raisons que nous ne comprenons pas, à travers les cieux et les enfers. Alors, ne fournissons plus d’agneaux pour l’abattage. Dans l’état actuel des choses, nous sommes comme des gladiateurs jetés dans l’arène de Dieu, et punis parce que nous combattons pour survivre. Cessons donc de combattre, et crachons plutôt au visage de Dieu. Un Dieu bon nous pardonnera ; un Dieu mauvais ne deviendra jamais bon. Mettons ainsi fin à la grande énigme sans réponse, déchirante et culpabilisante. Si nous devons ne jamais être assez bons pour un parent céleste, ainsi soit-il. Prononçons à l’unisson les mots interdits : nous n’avons pas demandé à naître.
Quentin S. Crisp, Antinatalism – A thought experiment
Angleterre XXI°


Maintenant je sais que je suis enceinte. Ca ne se voit pas encore. Après m’avoir violée, ils m’ont fait prendre des pilules, mais ce devait être trop tard. Je suis condamnée à donner naissance à une nouvelle vie, mais d’abord je vais essayer de mettre fin à la mienne afin d’épargner cet enfant.
David Cronenberg, Les promesses de l’ombre. Canada XXI°


Nous qui naissons pour être en butte à tant d’épreuves et de combats. […] Toute notre existence doit s’écouler dans la tristesse et les gémissements. […] C’est pour cela que l’enfant, sortant du sein maternel, inaugure par des larmes son entrée dans ce monde. Tout lui est alors inconnu, excepté les pleurs. Un instinct naturel lui fait pressentir les épreuves de la vie ; et, sur le point d’affronter les fatigues et les orages, cette âme, encore neuve, s’abandonne aux larmes et aux gémissements.
Saint Cyprien de Carthage, Du bien de la patience. Rome III°


~ Je voudrais bien savoir si vos parents songeaient à vous quand ils vous firent ? Hélas, point du tout ! et toutefois vous croyez leur être obligé d’un présent qu’ils vous ont fait sans y penser.
~ Ainsi peut-être vous n’êtes non plus redevable à votre père de la vie qu’il vous a donnée, que vous le seriez au pirate qui vous aurait mis à la chaîne, parce qu’il vous nourrirait. Et je veux même qu’il vous eût engendré prince, qu’il vous eût engendré roi ; un présent perd son mérite, lorsqu’il est fait sans le choix de celui qui le reçoit.
~ Votre père consulta-t-il votre volonté lorsqu’il embrassa votre mère ? Vous demanda-t-il si vous trouviez bon de voir ce siècle-là, ou d’en attendre un autre ? Si vous vous contenteriez d’être fils d’un sot, ou si vous auriez l’ambition de sortir d’un brave homme ? Hélas ! vous que l’affaire concernait tout seul, vous étiez le seul dont on ne prenait point l’avis ! Peut-être qu’alors, si vous eussiez été enfermé autre part que dans la matrice des idées de la nature, et que votre naissance eût été à votre option, vous auriez dit à la Parque : « Ma chère demoiselle, prends le fuseau d’un autre ; il y a fort longtemps que je suis dans le rien, et j’aime encore mieux demeurer cent ans à n’être pas, que d’être aujourd’hui pour m’en repentir demain ! »  Cependant il vous fallut passer par là ; vous eûtes beau piailler pour retourner à la longue et noire maison dont on vous arrachait, on faisait semblant de croire que vous demandiez à téter.
Cyrano de Bergerac, L’Autre Monde. France XVII°


Nous avons entendu : « Pauvre enfant… il sourit… il ne sait pas ce qui l’attend : je n’aurais jamais dû le mettre au monde. » 30 à 40 % des jeunes mères donnent cette interprétation anxieuse.
Boris Cyrulnik, Sous le signe du lien. France XX°

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