Seigneur, pourquoi tout cela ? Est-ce vraiment ce que vous
désirez ? Est-ce pour cela que vous m’avez mis au monde ? Mais je
n’ai jamais demandé à naître. Je n’y suis strictement pour rien. […] Jouez-vous
au chat et à la souris avec moi ? Vous êtes-vous fait virer du poste de
commande ? Avez-vous perdu le contrôle de la situation ? Lucifer
a-t-il repris le pouvoir ? […] La vie vaut-elle le coup ? Tout
finira-t-il bien ? […] Si Dieu est bonté, pourquoi y a-t-il tant de mal,
et s’il sait tout, pourquoi a-t-il créé les hommes et en envoie-t-il certains
en enfer ?
John Fante, 1933 fut une mauvaise année. Etats-Unis XX°
~ Des enfants en grand nombre
aplanissent la route des blindés.
~ Le fœtus
rebelle […]
Fœtus aux membres agaçés par l’ennui
Sans l’instant de répit
Qui ralentit la venue des grincements de dents
De la terreur du prisonnier face au peloton
d’exécution. […]
Comment échapper aux cordes moelleuses
de la mère ?
~ Au petit matin du septième jour de la naissance
Les enfants invoqueront alors le seigneur
des seigneurs,
Afin qu’il grandisse et devienne comme nous
Oublié de Dieu.
Safaa Fathy, Où ne pas naître.
Egypte XX°
~ Combien de pères regrettent d’avoir eu des
enfants ? Combien se taisent plutôt que d’être jugés ? Combien ravalent
leur frustration plutôt que d’assumer le rêve de ne pas en avoir eu ? Et
si c’était à refaire ? Et si tous ceux qui posent ces questions avaient
connaissance, avant, des malheurs qui accableront leurs enfants ou que ceux-ci
feront peser sur eux, seraient-ils prêts à recommencer ?
~ L’homme qui refuse d’être père pose une simple
question, existentielle : à quoi servent plus de sept milliards d’êtres
humains ? Quelle est la finalité philosophique d’une terre peuplée
d’autant d’individus s’il leur est impossible d’échapper à la misère ? La
question est posée et renvoie à l’absurdité de nos existences.
~ Ne pas se rabaisser à ses seules capacités
reproductives. Refuser de « laisser sa trace » en ce monde
(l’expression est communément utilisée et revêt quelque chose de canin…) sous
la forme d’un être humain qui n’a rien demandé, surtout pas de naître.
~ Au rang de l’égoïsme, ceux qui veulent
impérativement devenir père ne sont pas en reste. […] Des études montrent
pourtant clairement que les couples sont plus heureux sans enfants.
~ Point de retour possible une fois l’enfant
présent. L’impossibilité de résilier le contrat de vie passé avec le petit
d’homme nécessite de réfléchir à deux fois avant de se lancer dans l’aventure.
Si l’on ne se sent ni le goût, ni le désir, ni le besoin, ni le droit moral de
convoquer au monde cet enfant, à quoi bon prendre le risque de faire un
malheureux de plus ?
François Faucon, Du
refus d’être père. France XXI°
~ Le mal existe ; tous les êtres sensibles connaissent la souffrance.
~ Il y a une foule d’êtres humains pour qui l’existence n’est qu’une longue
suite de douleurs et d’afflictions, en sorte il vaudrait mieux qu’ils ne
fussent pas nés.
~ Avons-nous présidé aux conditions de notre naissance ? Avons-nous été consultés sur la simple question de savoir s’il nous plaisait de naître ? Avons-nous été appelés à fixer nos destinées ? Avons-nous eu, sur un seul point, voix au chapitre ? […] Incontestablement non !
Sébastien Faure, Douze preuves de l’inexistence de Dieu. France XX°
~ Avons-nous présidé aux conditions de notre naissance ? Avons-nous été consultés sur la simple question de savoir s’il nous plaisait de naître ? Avons-nous été appelés à fixer nos destinées ? Avons-nous eu, sur un seul point, voix au chapitre ? […] Incontestablement non !
Sébastien Faure, Douze preuves de l’inexistence de Dieu. France XX°
~ Comme les ressources de la planète diminuent, un débat sur le contrôle de
la démographie est plus que jamais nécessaire. […] Il y a un petit nombre de
femmes qui optent pour la stérilisation volontaire parce qu’elles croient
personnellement qu’il est moralement correct de ne pas ajouter à une population
déjà trop grande. Et il y a ceux qui préconisent la non-reproduction pour le
bien de la planète, tel que le Mouvement Volontaire pour l’Extinction de
l’Humanité (Voluntary Human Extinction Movement).
~ Combien d’entre nous naissent non-désirés, ou sont maltraités ?
~ Pourquoi les politiciens s’inquiètent-ils lorsque les populations
nationales commencent à diminuer légèrement ? On peut supposer que les
universitaires étudient toutes ces questions, mais nous ne voyons pas souvent
leur travail repris dans les médias et les débats publics.
~ Si les scénarios envisagés par les scientifiques
du climat concernant les risques d’inondations, de mauvaises récoltes, de
famine et de maladie sont raisonnablement précis, alors nous devons sûrement
nous poser de sévères questions sur les proportions soutenables de population
par rapport aux terres disponibles.
Colin Feltham, An uncomfortable truth (article publié sur le site The Guardian, 28 février 2009). Angleterre XXI°
~ Il n’est pas nécessaire d’être déprimé pour être antinataliste, il suffit
de voir très clairement les problèmes de surpopulation et les souffrances que
provoque la procréation.
~ J’ai moi-même des enfants, je ne peux donc pas prétendre avoir pris une
position antinataliste. J’admire néanmoins ceux qui le font.
~ Il est ironique de constater que ce sont les personnes les plus
irréfléchies et les plus religieuses qui auront probablement les plus grandes
familles.
~ Beaucoup de psychologues positivistes admettent que la vie est hautement
négative, ce qui explique pourquoi tant de contre-efforts positivants sont
nécessaires pour nous rendre heureux.
~ Ma mère avait coutume de dire qu’elle aurait préféré n’avoir jamais eu
d’enfants. Pas très utile, mais honnête. Les mères de Cioran et de Houellebecq
ont toutes les deux exprimé leur souhait que leurs fils ne soient jamais nés.
~ Quelques personnes m’ont dit : « Si je ressentais les choses
comme vous, je me tuerais ». Je suppose que certaines personnes se sentent
offensées et furieuses d’entendre des idées « Dépressives Réalistes »
si elles n’en ont jamais entendu auparavant. Mais certains sont effrayés parce
qu’ils ne se permettraient jamais de ressentir des choses si négatives, alors
quand vous exprimez de telles idées, ils sont choqués et se déchaînent.
Peut-être ont-ils peur d’avoir envie de se tuer si jamais ils cédaient la place
à de telles pensées. Un peu comme l’homophobie agressive peut servir à masquer
des doutes quant à sa propre sexualité.
~ Beaucoup de gens disent qu’ils ne voudraient pas
introduire des enfants dans ce monde cruel, et certains parents disent qu’ils
n’auraient pas d’enfants si c’était à refaire.
~ La réduction de la population est un impératif.
Colin Feltham, interview
(par Andreas Moss pour le site Planet
Zapffe, 2014). Angleterre
XXI°
~ Je me compte au nombre des pessimistes. Je crois que la vie est
souffrance.
~ De nombreuses personnalités religieuses et philosophiques comme […]
Jésus, Diogène, Hobbes, Wittgenstein, et d’autres, sont significativement
reliées entre elles en tant que penseurs prophétiques
sans enfants. Nous pourrions soutenir
que tant dans leur personnalité que dans leur expérience existentielle, ils
confirment pour eux-mêmes que la vie est dure et absurde, suffisamment mauvaise
pour eux que pour introduire de nouvelles personnes
dans ce monde cruel.
~ Les doutes
quant à la moralité d’avoir des enfants – le procès antinataliste – sont-ils
justifiés ? Est-ce que tous les efforts liés à l’éducation des enfants, la
scolarisation, le travail, les relations sociales, valent le gâchis, l’ennui,
la déception et le chagrin concomitants ? Le bonheur se
commande-t-il ? Tout cela a-t-il la moindre importance ? Alors que
des cours de sciences religieuses et sociales sont habituellement dispensés
(souvent de façon obligatoire) dans
les écoles, ces grandes questions ont tendance à être marginalisées,
découragées, ou bannies. Même les universités ne les
prennent pas au sérieux, au mieux les reléguant dans un genre littéraire ou
dans des modules, que l’on peut ignorer en toute sécurité, de philosophie
morale. Nous ne voulons pas que les enfants (ou les adultes) rencontrent et
examinent sérieusement des questions de ce genre.
~ Beaucoup ont
vraiment des vies si misérables qu’il aurait sans doute mieux valu qu’elles ne
commencent jamais. […] Il y a beaucoup d’absurde et de tragique dans la vie
humaine. Mais ceux qui choisissent de continuer à vivre ne peuvent pas vivre
seulement aux côtés de la déception chronique et vénéneuse. Les quatre
mécanismes de défense de Zapffe semblent décrire beaucoup du comportement
humain, et je pense que nous sommes une espèce tragiquement droguée à
l’évitement de la vérité.
~ La nature est
écologique dans le sens impitoyable.
Elle n’est pas belle, mais fonctionnelle. Le monde des mers, des montagnes, des
forêts, de la flore et de la faune peut nous paraître beau, mais le paysage que
nous contemplons recèle aussi d’immenses souffrances. Que vous optiez pour une
perspective évolutionniste ou créationniste, la nature n’est pas aimable. C’est
un vicieux bain de sang.
~ Les êtres humains ne peuvent pas supporter les réalités douloureuses. […]
Même sans avoir subi d’événement manifestement traumatisant, beaucoup d’entre
nous trouvons la vie douloureuse. Il peut être douloureux de réaliser que la
vie ne possède aucune signification intrinsèque et incontestable, qu’elle est
souvent dure, qu’elle contient de nombreuses déceptions, et se termine toujours
par la mort.
~ Beaucoup d’entre nous tombons si bas dans la vie que nous ressentons le
besoin constant d’atténuer, de pallier notre misère avec de l’alcool, avec des
drogues, avec des aliments problématiques ou du sexe à risque. La vie peut être
tellement déprimante qu’on a juste envie de rester au lit.
~ Les antinatalistes remettent certainement la procréation en question, en
la considérant comme un acte égoïste qui perpétue la souffrance humaine. Faire
intentionnellement des enfants et les élever avec amour peut être un vote en
faveur de l’espoir contre la futilité, mais c’est aussi toujours ambigu. Ceux créés « miraculeusement » par un ovule et du sperme
et nés adorables, vont aussi, nonobstant tous leurs amours et accomplissements
personnels, souffrir (quelque peu ou grandement) et ils mourront.
~ Le contrôle de la population étant un sujet délicat, la plupart d’entre
nous prenons nos propres décisions quant au fait d’avoir des enfants, et
combien en avoir. De telles décisions devront de plus
en plus tenir compte de considérations naguère peu envisagées, telles que la
question de savoir s’il ne serait pas nuisible de mettre des enfants au monde.
~ La plus grande
bonté dont nous pourrions témoigner envers des enfants est tout d’abord de ne
pas en avoir – tel est le credo des antinatalistes. Bien que ce point de vue ne
trouvera jamais les faveurs de la majorité, il soulève néanmoins des questions
sur, entre autres choses, la contraception et le contrôle de la population.
« Faites moins d’enfants » semble avoir été pris volontairement à
cœur par de nombreux pays. Et moins d’enfants signifie moins de souffrances.
~ Je pense parfois que la vie n’a pas de sens
et est juste une longue et douloureuse attente de la mort.
~ Avoir des
opinions négatives sur la vie ne devrait pas être un secret honteux.
Colin Feltham, Keeping ourselves in the dark. Angleterre XXI°
~ La béatitude
de n’être pas encore né.
~ La première
grande angoisse, la naissance.
Sandor Ferenczi, Masculin et féminin.
Hongrie XX°
~ Le désir
œdipien est l’expression psychique d’une tendance biologique beaucoup plus
générale qui pousse les êtres vivants à retourner dans l’état de repos dont ils
jouissaient avant la naissance.
~ Dans la
réalité la vie finit toujours de façon catastrophique, de même qu’elle a commencé
par une catastrophe, la naissance.
Sandor Ferenczi, Thalassa. Hongrie XX°
Papa Papa dis-moi dis-moi
Pourquoi le réchauffement planétaire ?
Pourquoi les calottes glaciaires
fondent-elles ?
Pourquoi le trou dans l’ozone ?
Pourquoi les pluies acides ? […]
C’est
nous qui encrassons notre nid
C’est
nous, bébé, c’est nous […]
Oh Papa Papa dis-moi dis-moi
Pourquoi on pille la forêt vierge
Pour faire des milliards de maisons […]
Pourquoi tellement de sans-abri
En quête de nourriture et d’un asile ?
C’est la
surpopulation, idiot
C’est
qu’il y a trop de gens, bébé
C’est
nous tous qui pondons et pondons
Et nous
aimons ça nous aimons ça
On ne
peut pas nous dire
Que nous
ne pouvons pas avoir d’enfants !
Lawrence Ferlinghetti, C’est
nous, idiot. Etats-Unis XXI°
Oh j’ai le blues de la ponte
Car on n’arrête pas de pondre pondre pondre
Et ce n’est pas nouveau
Pas moyen d’arrêter ça
Pas moyen de bloquer ça
Pas moyen de réglementer ça
On va juste continuer à faire ça
Ils vont juste continuer à faire ça
Comme s’il n’y avait pas d’autre
But dans la vie
Il n’y a rien d’autre à faire dans le zoo
Dans le dernier séjour et recours
C’est la dernière option
Au lieu de l’adoption […]
Aveugle désir en feu
Pondre pondre pondre
Même si on saigne
C’est tout ce dont on a besoin
C’est tout ce qu’on a
Dans cette cabane de boue […]
Et qui pour l’arrêter
Qui pour dire : ne faites pas ça […]
O comment résoudre ce problème ma chère
Comment le résoudrons-nous jamais
Quand notre instinct de base ma chère
Est de pondre et pondre et pondre
Lawrence Ferlinghetti, Le
blues de la ponte. Etats-Unis XXI°
Si quoi que ce soit survit, après que l’électricité ait été coupée
et que toute la civilisation électronique ait disparu, quand la Nature rendra
les coups pour se venger de ce que nous lui infligeons. Bientôt dans votre
théâtre de quartier, The Day After
Tomorrow. Il y a beaucoup de
doigts qui pointent pour savoir qui est le plus coupable dans tout ceci.
Certains disent que c’est la culture de consommation omnivore. Certains disent
que c’est l’ancien perplexe militaro-industriel. Certains disent que c’est le
résultat de la cabale prédatrice de l’armée et des entreprises. Bien sûr, c’est
tout cela, plus la surpopulation, qui est à la racine de la plupart des
problèmes mondiaux les plus importants. Faites votre choix. Et puis, ce serait
très utile que vous preniez la parole et fassiez quelque chose à ce sujet.
Lawrence Ferlinghetti, Littérateurs :
une espèce menacée ? (discours donné le 16 novembre 2005 au
National Book Awards, lors de la réception du Prix Littérature pour Services
Exceptionnels rendus à la Communauté Littéraire). Etats-Unis XXI°
Franchement, je
ne désire point rencontrer, dans la sphère des ombres, Socrate, saint Augustin
et tant d’autres héros. Je préfère me plonger dans le néant. La pensée et
l’action de la vie ont fini par me fatiguer, laissez-moi dormir !
Ludwig Feuerbach, Liberté de penser.
Allemagne XIX°
Est-ce que
vraiment ça vous dilate tant le cœur, vous autres prosélytes de la propagation
humaine, la mise bas de tant de poupons ? Qu’est-ce que les parents en
feront, de ces gosses ? […] Choisir
cette époque de chômage de bras et cerveaux inutilisés, choisir ce
malencontreux moment psychologique pour prêcher la multiplication des
hommes ! Multipliez-vous, c’est-à-dire envenimez jusqu’à la rage la
concurrence du travail, multipliez vos chances de misère […] Trop d’hommes déjà
s’étouffent sur ce petit coin de terre. […] La population est l’ennemie du
bien-être général ; l’enfant est l’ennemi du père, et la mère féconde,
nuisible à tous, n’enfante que pour l’imbécile champ de bataille. Ce qui serait
utile et humain, si vous étiez logique, ce serait au contraire d’enrayer la
procréation ; la femme stérile devrait être sacrée, l’homme qui se retient
félicité.
Henri Fèvre, Et multipliez-vous.
France XIX°. Cité in : Francis Ronsin, La
grève des ventres.
La fin certaine
de toute douleur et de toute prédisposition à la douleur, c’est la mort ;
et de tous les accidents que l’homme ordinaire a coutume d’appeler malheurs, la
mort est pour moi le moindre.
Johann Gottlieb Fichte, La
destination de l’homme. Allemagne XIX°
~ Si j’aime les
enfants ? Oui, légèrement bouillis.
~ Il n’est pas
un seul homme en Amérique qui n’ait eu la secrète envie de flanquer des coups
de pieds à un nourrisson.
~ Quiconque
déteste les enfants et les animaux domestiques ne peut être foncièrement
mauvais.
~ Quelle journée
splendide ! Quel soleil resplendissant ! C’est par une journée comme
celle-ci que les frères McGillicuddy ont assassiné leur mère avec une hache.
W.C. Fields. Etats-Unis XX°
Je n’ai jamais
été attirée par la fécondité. C’est le refus de l’utile : la participation à la
continuité de l’espèce est une abdication. Pour avoir des enfants, il faut une
humilité presque inconcevable dans le monde moderne, une passivité abrutie ou
une prétention insensée.
Leonor Fini.
Argentine XX°. Citée in : Marcel Brion, Leonor Fini.
Rappelle-toi
mes nombreux hauts faits, le bien que j’ai accompli, les fatigues et les
chagrins que j’ai supportés. […] Si les chaînes doivent être ma récompense de
toutes ces peines […], il aurait mieux valu ne pas naître, ou, étant né, ne pas
rester dans cette vie.
Firdousi (Ferdowsi),
Le livre des rois. Perse XI°.
Traduction par Jules Mohl (1876)
Si le sage
n’était pas venu dans ce monde,
Il ne
connaîtrait point froid et chaud, ici-bas ;
Mais il
naquit ; il vit durement, et déçu ;
Il lui faut
déplorer cette vie misérable.
Firdousi (Ferdowsi), Le livre des
rois. Perse XI°. Source : Z. Safâ, Anthologie
de la poésie persane. Traduction par H. Massé (1964)
Si nous mourons
entièrement, quelle inepte comédie que la vie, avec ses luttes et ses
espérances ! Si nous sommes immortels, que faisons-nous pendant l’interminable
éternité ? D’aujourd’hui en cent ans, où serai-je ? Où seront tous les
habitants actuels de la Terre ? Et les habitants de tous les mondes ? Mourir
pour toujours, toujours, n’avoir existé qu’un moment : quelle
dérision ! Ne vaudrait-il pas mieux cent fois n’être point né et n’avoir
point souffert ? Mais si le destin est de vivre éternellement sans jamais
pouvoir rien changer à la fatalité qui nous emporte, ayant toujours devant nous
l’éternité sans fin, comment supporter le poids d’une pareille destinée ? Et
c’est là le sort qui nous attend ! Si jamais nous sommes fatigués de
l’existence, il nous serait interdit de la fuir, il nous serait impossible de
finir ! Cruauté plus implacable encore que celle d’une vie éphémère
s’évanouissant comme le vol d’un insecte dans la fraîcheur du soir. Pourquoi
donc sommes-nous nés ? Pour souffrir de l’incertitude ? Pour ne pas voir une
seule de nos espérances rester debout après examen ? Pour vivre, si nous ne
pensons pas, comme des idiots, et si nous pensons, comme des fous ? Ni but, ni
logique en rien ! … Et l’on nous parle d’un « bon Dieu » ! Et il y a
des religions, des prêtres, des pasteurs, des rabbins, des bonzes ! Mais
l’humanité n’est qu’une race de dupes et de dupés. La religion vaut la patrie
et le prêtre vaut le soldat. Les hommes de toutes les nations sont armés jusqu’aux
dents, pour s’entr’assassiner comme des imbéciles. Eh ! c’est ce qu’ils peuvent
faire de plus sage : c’est le meilleur remerciement qu’ils puissent
adresser à la Nature pour l’inepte cadeau dont elle les a gratifiés en leur
donnant le jour.
Camille Flammarion, Uranie. France XIX°
~ Qu’est-ce que
le malheur ? La vie.
~ Oh que Dieu
soit maudit par ses créatures !
Gustave Flaubert, Agonies. France XIX°
Il pensait
sérieusement qu’il y a moins de mal à tuer un homme qu’à faire un enfant ;
au premier vous ôtez la vie, non pas la vie entière, mais la moitié ou le quart
ou la centième partie de cette existence qui va finir, qui finirait sans
vous ; mais envers le second, disait-il, n’êtes-vous pas responsable de
toutes les larmes qu’il versera depuis son berceau jusqu’à sa tombe ? Sans
vous, il ne serait pas né, et s’il naît, pourquoi cela ? Pour votre
amusement, non pour le sien, à coup sûr.
Gustave Flaubert, Novembre. France XIX°
J’ai eu, tout
jeune, un pressentiment complet de la vie. C’était comme une odeur de cuisine
nauséabonde qui s’échappe par un soupirail. On n’a pas besoin d’en avoir mangé
pour savoir qu’elle est à faire vomir !
Gustave Flaubert, Lettre à Maxime Du Camp
(7 avril 1846).
France XIX°
L’idée de donner
le jour à quelqu’un me fait horreur. Je me maudirais si j’étais père. Un
fils de moi ! Oh non, non, non ! Que toute ma chair périsse et que je
ne transmette à personne l’embêtement et les ignominies de l’existence !
Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet (11 décembre 1852).
France XIX°
A mon père et à
ma mère
Avec toute ma
rancune.
Robert Florkin, dédicace d’Ubu
Dieu. France XX°
~ Nos parents
nous communiquent ordinairement tous les défauts qu’ils ont contractés par leur
vie déréglée.
~ Ils
conviennent tous que cette vie n’est qu’un mouvement plein de trouble et
d’agitation. Ils sont persuadés que ce que nous appelons la mort est leur
repos, et que le plus grand bien de l’homme est d’arriver à ce terme, qui met
fin à toutes ses peines : de là vient qu’ils sont indifférents pour la
vie, et qu’ils souhaitent passionnément de mourir. Plus je témoignais
d’appréhension pour la mort, plus ils se confirmaient dans la pensée que je ne
pouvais être homme, puisque, selon leurs idées, je péchais contre les premiers
principes du raisonnement.
~ Ne vaudrait-il
pas mieux n’être point, que d’être pour connaître que bientôt on ne sera
plus ?
Gabriel de Foigny, Les aventures de Jacques Sadeur
dans la terre australe. France XVII°
~ Dieu voulut
m’enlever ma mère, qui m’était, pour aller à lui, d’un grand empêchement. Mon
mari et mes fils moururent aussi en peu de temps. Et parce que, étant entrée
dans la route, j’avais prié Dieu qu’il me débarrassât d’eux tous, leur mort me
fut une grande consolation.
~ Ah ! la
mort ! la mort ! la vie m’était une douleur au-dessus de la douleur
de ma mère et de mes enfants morts, au-dessus de toute douleur qui puisse être
conçue.
~ Oh ! ne
me faites plus languir ! Oh ! la mort ! la mort ! car la
vie m’est une mort. La mort !
Angèle de Foligno, Le livre des visions et
instructions. Italie XIII°
~ L’humanité est le cancer de la nature.
~ La quantité optimale de population humaine sur Terre est zéro.
Dave Foreman (co-fondateur de l’organisation écologiste Earth First !). Etats-Unis XX°. Cité in : Jeffrey E. Foss, Beyond Environmentalism : A Philosophy of Nature.
~ Le Malheur se
donne. La Joie se vend.
~ L’Homme commet
une faute en naissant – celle de naître.
~ Homme et
Malheur sont frères.
~ Si le monde
finit, c’est ce qu’il aura fait de bien.
Xavier Forneret, Sans titre. France XIX°
~ Comme l’espèce
humaine ne trouve ni bonheur ni justice sur la terre, elle se crée des dieux
protecteurs de la faiblesse et elle cherche des compensations futures à sa
douleur présente.
~ Je cherche
depuis longtemps la paix ; et le bon sens me désigne toujours la tombe.
~ Se repentir du
passé, s’ennuyer du présent, craindre l’avenir : telle est la vie.
Ugo Foscolo, Les dernières lettres de Jacopo Ortis. Italie XIX°
Elle ne sait pas
encore que pour les enfants
Le sommeil
éternel est un bienfait,
Et que leurs
vagissements
Sont les
présages d’une vie de souffrances.
Ugo Foscolo, Les Grâces. Italie XIX°
~ J’ai vu de près bien des familles.
Je n’en ai pas trouvé une seule gaie dans son intérieur.
~ Le père Civilisé est souvent si mal
éduqué qu’il ne donne à l’enfant que des impulsions vicieuses.
~ L’enfant est plus souvent dépravé
que cultivé, lorsque son éducation est confiée à des pères, la plupart
incapables.
~ Le père, plus sage que l’épouse, ne
veut pas consentir à ce qu’elle gâte les enfants. Un père s’ennuie de leurs
criailleries, s’en plaint et déserte. La femme s’en console avec quelque
voisin, et la discorde naît de ces enfants mêmes que la morale nous donne pour
gage d’ineffables accords. […] Que de supplices dans cet état conjugal, dépeint
comme un chemin de fleurs !
~ Le pauvre a toujours des légions
d’enfants : « Aux gueux la besace. » Il pleut des enfants chez
celui qui n’a pas de quoi les nourrir.
~ Tout conspire à jeter le père dans
[le] piège […] de la fourmilière d’enfants. Il y est poussé d’abord par la
pauvereté et le désespoir. Le peuple fabrique des enfants par douzaines, en
disant : « Ils ne seront pas plus malheureux que nous. »
~ Tout s’accorde à pousser dans
l’abîme un chef de famille, joncher d’enfants son pauvre ménage, et le conduire
par cette pullulation à la pauvreté, source de tous les vices.
~ Dès la troisième année, le doux ménage commence à se meubler de marmots,
dont les criailleries et l’entretien dispendieux apprennent à un père gêné dans
quel trébuchet il est tombé.
Charles Fourier, [Vers la liberté en amour. Textes choisis].
France XIX°
~ Y a-t-il
nécessité à faire des enfants ? Vous ne trouvez pas qu’il y en a
assez ? On est trop sur terre, plus de sept milliards.
~ Réfléchissez
longtemps avant de faire des enfants. Il y a parfois des enfants qu’il aurait
mieux valu ne pas faire.
~ Si la
naissance d’un enfant est toujours un événement pénible, la naissance de
plusieurs dépasse le seuil du supportable.
~ L’enfant est
un cadeau empoisonné.
Jean-Louis Fournier, Mouchons nos morveux.
France XXI°
~ J’ai rarement
ouvert une porte par mégarde sans découvrir un spectacle qui me fît prendre
l’humanité en pitié, en dégoût ou en horreur.
~ J’aime la
vérité. Je crois que l’humanité en a besoin ; mais elle a bien plus grand
besoin encore du mensonge qui la flatte, la console, lui donne des espérances
infinies. Sans le mensonge, elle périrait de désespoir et d’ennui.
Anatole France, La vie en fleur. France
XX°
~ Merde ! C’était un rêve… Le cauchemar, c’est quand on s’éveille…
~ Vous savez, ce que les savants appellent les « protubérances
éruptives » ? Eh bien ! C’est le soleil qui dégueule en nous
regardant.
~ Je suis venu au monde, tout jeune… mais non de dieu, on ne m’y reprendra
plus…
André Franquin, Idées
noires. Belgique XX°
En 1970 c’était
cool de se préoccuper de l’avenir de la planète et de ne pas avoir d’enfants.
Maintenant la chose sur laquelle tout le monde est d’accord, à droite comme à
gauche, c’est que c’est beau d’avoir des enfants. Plus il y en a, mieux c’est.
Kate Winslet est enceinte, hourra, hourra […] Vous tombez amoureux, vous vous
reproduisez, et puis vos gosses tombent amoureux et se reproduisent. Ça a
toujours été ça, le sens de la vie. La grossesse. Plus de vie. Mais le
problème, maintenant, c’est que plus de vie, c’est toujours aussi beau et plein
de sens sur le plan individuel, mais pour le monde dans son ensemble, ça veut
seulement dire plus de mort.
Jonathan Franzen, Freedom. Etats-Unis XXI°
L’amour parental, si émouvant, et, dans son fond, si
puéril, n’est rien d’autre que le narcissisme des parents ressuscité qui, bien
que transformé en amour d’objet, infailliblement révèle sa première nature.
Sigmund Freud, La vie sexuelle.
Autriche XX
~ La vie telle
qu’elle nous est imposée est trop dure pour nous, elle nous apporte trop de
douleurs, de déceptions, de tâches insolubles. Pour la supporter, nous ne
pouvons pas nous passer de remèdes sédatifs.
~ Nos
possibilités de bonheur sont limitées déjà par notre constitution. Il y a
beaucoup moins de difficultés à faire l’expérience du malheur.
Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation.
Autriche XX°
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire