~ Vouloir des
enfants, c’est vouloir se venger de son passé. C’est pour la femme faire don à
sa propre mère de sa haine et pour l’homme rivaliser avec son père ou avec Dieu
dans le fantasme imbécile d’une postérité. Et c’est pour chaque couple un
remède au désespoir. Quand la vie a trompé nos attentes, quand on a renoncé à
se créer soi-même, quand on pressent que tout est foutu, alors plutôt que de se
rendre à la morgue, on convie sa famille et ses proches dans un lieu plus
sinistre encore, parce que plus kitsch : la maternité.
~ Ce monde ne
peut être l’œuvre d’un Dieu plein de bonté, il est entre les mains d’un
tortionnaire convulsif qui n’a créé ses victimes que pour le plaisir de les
estropier…
~ On ne peut
plus reculer face à la thérapie ultime : la thérapie par le vide. Euthanasie
oui, mais planétaire, clame Louis Wolfson, Il s’agit maintenant de trouver le
réconfort et le plaisir là où ils sont : dans la production ininterrompue
de bombes atomiques et thermonucléaires qui, en dépit des simagrées des
pacifistes, permettront enfin de réussir un suicide collectif complet
« avant que ne commence encore un autre millénaire de tortures
ici-bas ».
Roland Jaccard, La tentation nihiliste. France
XX°
~ L’acte le plus
rationnel est le suicide.
~ Qu’y a-t-il de
plus obscène qu’une femme portant fièrement dans son ventre un futur
cadavre ?
~ Theodor
Lessing rappelle que, pendant deux ans et demi, les plus sages parmi les
rabbins ont débattu de la question suivante : « Eût-il mieux valu que
l’univers ne fût point créé ? ». Selon le Talmud, les académies,
après maintes controverses, se rallièrent à la conclusion suivante :
« Il eût mieux valu que le monde réel dont nous avons conscience ne fût
point créé. Il ne fait pas le moindre doute que le plus souhaitable pour
l’humanité est d’arriver à son terme et de se résorber dans l’infini. »
~ Wittgenstein
ou l’impalpable épiphanie du Rien. Il est le seul philosophe moderne à avoir
osé parler de la bombe atomique comme d’un médicament amer, mais salutaire.
Roland Jaccard, Topologie du pessimisme.
France XX°
Comment a-t-on
pu prendre au sérieux une idée aussi démente que celle de la création du monde
par un Dieu bienveillant, et souscrire à l’impératif le plus criminel jamais
édicté : « Croissez et multipliez-vous ! » ?
Roland Jaccard, Sexe et sarcasmes. France
XX°
~ La vérité
c’est que l’humanité est un grand foutoir. Tout le monde veut croire à une
espèce humaine supérieure alors qu’il suffit de regarder autour de soi pour
voir que les seuls à mériter le titre de « nuisibles » sont les hommes.
Et les femmes.
~ Tu veux le
connaître le sens de la vie ? C’est un sens unique de la naissance à la
mort. Et entre les deux, tu te démerdes. Joli cadeau, je sais. Oui, j’ai lu, tu
n’as pas demandé à naître et la vie n’est pas belle. Qu’est-ce que tu veux
qu’un père réponde à ça ? D’accord, je n’avais pas le droit.
Brigitte Jacobs, Made in dignity. Belgique
XXI°
Pourquoi vivre,
quand il faut quand même mourir ?
Pourquoi lutter
quand nous savons que le glaive
Sera quand même
un jour arraché à nos mains ?
A quelle fin ces
holocaustes de tourments, de souffrances ?
Jens Peter Jacobsen, Arabesque. Danemark XIX°
A propos des
progrès médicaux : le prix à payer pour le bonheur d’empêcher un enfant de
mourir est, sur notre Terre limitée, l’obligation d’empêcher un enfant de
naître.
Albert Jacquard, Voici le temps du monde fini.
France XX°
L’humanité est
réellement prise à la gorge par l’accroissement de son effectif.
Albert Jacquard, L’explosion démographique.
France XX°
Pour retrouver
un équilibre, la seule possibilité est de limiter la fécondité, ce qui suppose
un changement fondamental dans notre attitude face à la procréation. Procréer
était autrefois un devoir ; c’est désormais un droit limité.
Albert Jacquard, Petite philosophie à l’usage des
non-philosophes. France XX°
Entends-tu le
rythme de notre naissance ?! C’est une danse macabre. Des ossements et des
boyaux.
Hans Henny Jahnn, Pasteur Ephraïm Magnus.
Allemagne XX°
~ Contre la mort
il n’y a rien à faire, car la procréation est voisine, menaçant de son chiffre
écrasant.
~ Sans être vu,
il faisait le tour de la Terre. L’eau le portait, la tempête l’emportait. Il
voyait très près les faits et gestes des hommes. Cela le gênait, l’effrayait.
Il voulait crier parce qu’il voyait l’arbitraire et l’injustice, et les
souffrances.
~ Il marchait
sur les ennemis, sur les ennemis de son île, sur les ennemis de ses temples,
sur les ennemis de sa lumière, sur les ennemis de ses danses, sur les fous qui
succombaient à la loi de la procréation.
~ Il pleurait
parce qu’il saisissait l’ineptie de tous les désirs et de tous les actes.
Hans Henny Jahnn, Perrudja. Allemagne XX°
~ L’homme est
une créature de besoin. Nous naissons tous avec des besoins et la plupart
d’entre nous meurent après une vie de lutte sans avoir satisfait bon nombre de
ces besoins.
~ L’enfant naît
dans le contexte des besoins de ses parents et il commence à lutter pour les
satisfaire presque dès sa naissance.
~ C’est ainsi
qu’une femme peut concevoir un enfant afin de pouvoir se faire dorloter comme
un bébé – ce dont elle a en réalité éprouvé le besoin toute sa vie. Aussi
longtemps qu’elle est au centre de l’attention, elle est relativement heureuse.
Mais, après l’accouchement, elle risque de sombrer dans une dépression
profonde. La grossesse servait son besoin et n’avait rien à voir avec la venue
au monde d’un nouvel être humain. L’enfant risque même de souffrir d’avoir, en
naissant, privé sa mère du seul moment de sa vie où elle obtenait que les
autres s’occupent d’elle. Comme elle n’est pas prête à la maternité, elle
n’aura peut-être pas de lait, et elle fera souffrir son enfant des mêmes
privations dont elle-même a peut-être souffert. Voilà comment l’iniquité des
pères est punie sur les enfants en un cycle apparemment sans fin.
~ Que ce soit
par d’acerbes critiques ou par de fermes conseils, les parents essaient
d’utiliser un enfant sans défense pour satisfaire leurs propres besoins
frustrés.
~ Ce que les
parents voient dans leur enfant, ce sont leurs propres besoins et l’espoir de
les satisfaire. L’enfant n’est pas pris en considération pour ce qu’il est.
Arthur Janov, Le cri primal. Etats-Unis
XX°
Pourquoi
vivre ? Pourquoi grandir ? Car sur nos têtes
Plane la maladie
affreuse aux noms divers ;
Ses mille formes
sont à nous abattre prêtes,
Et sous nos
pieds la mort a ses gouffres ouverts !
L’enfant naît
faible et nu, tel qu’après un naufrage,
Quand la mer a
vomi quelque barque d’un flot,
Sur la grève est
jeté, mourant, le matelot !
Venant dans
notre exil, où tout le décourage,
L’enfant
s’effraye, et ses premiers vagissements
Ne sont que de
plaintifs et longs gémissements.
Car pour lui sur
la terre il n’est point d’espérance.
Il pleure, et
c’est justice. Il doit pleurer, celui
Qui commence une
vie où toujours la souffrance,
La misère et la
mort s’acharnent après lui.
Alfred Jarry, Misère de l’homme. France
XIX°
– La
dépopulation n’est plus qu’un mot, larmoya d’admiration le sénateur.
– A peine un
mot, chantonna le général.
– La patrie peut
compter tous les jours sur une centaine de défenseurs de plus, s’écrièrent-ils
ensemble. […]
L’Indien, en
réponse à tous les discours, fit, d’un tranquille signe de tête :
– Non.
– Que
dit-il ? grommela le général ; qu’il ne veut pas faire
d’enfants ? mais qui en fera, alors ?
Alfred Jarry,
Le
surmâle. France XX°
~ Faut-il ou non
se suicider n’est pas la seule
question philosophique véritablement importante, il y en a une autre aussi
importante ; cette question est : faut-il faire des enfants ? Curieusement,
cette question, la philosophie se l’est très peu posée. D’où vient cette
carence dans l’histoire de la pensée ? Tout fonctionne comme s’il y avait un
refus plus ou moins conscient de s’emparer de cette problématique.
~ L’acte
authentique de penser est apocalyptique. L’homme qui pense est nécessairement
amené, à un moment ou à un autre, à remettre en cause son existence, les
principes qui l’animent, les centres d’intérêt qu’elle investit et finalement à
se poser la question du suicide, non pas seulement de sa personne elle-même […]
mais de l’humain tout entier.
~ Faut-il
vraiment s’inquiéter de voir un jour ce monde vide d’hommes du fait de l’homme,
du fait que l’homme pense ? Devons-nous redouter que l’homme progresse en
aptitude de pensée et que, de ce fait, le monde se dépeuple ?
~ La crainte de
voir l’humanité s’éteindre a quelque chose d’absurde puisque de toute manière,
tôt ou tard, celle-ci est vouée à disparaître […]. Dès lors, il ne s’agit pas
tant d’assurer une illusoire perpétuation de l’humain que de garantir une vie
digne à nos descendants. Sommes-nous encore en mesure de donner de telles
garanties ? Assurons-nous à nos descendants les moyens d’une vie heureuse
sur terre ?
~ Mes enfants ne
vont-ils pas me reprocher un jour de les avoir fait naître dans un monde qui ne
leur convient pas, de les avoir fait naître en dépit du fait que rien ne peut
garantir que leur vie vaudra d’être vécue. […] Par amour des enfants, peut-être
vaut-il mieux ne pas en faire, comme le disait déjà Thalès !
Bruno Jay, Faut-il faire des enfants ?
France XXI°
Le monde entier
gît au pouvoir du Mauvais.
Saint Jean l’Evangéliste, Première
épître. Israël I°
~ Et nul ne
pouvait apprendre le cantique, hormis les cent quarante-quatre milliers, les rachetés
à la terre. Ceux-là, ils ne se sont pas souillés avec des femmes, ils sont
vierges.
~ De mort, il
n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car
l’ancien monde s’en est allé.
Saint Jean l’Evangéliste, Apocalypse.
Israël I°
Voyez de combien
de maux cette vie est pleine, souvenez-vous combien de fois vous l’avez eue en
horreur, combien d’imprécations vous avez faites en voyant les maux qui
l’assiègent sans cesse, et qui se succèdent les uns aux autres. […] Dès le
commencement du monde Dieu nous a condamnés à souffrir.
Saint Jean Chrysostome, Homélie
XXXI sur Matthieu. Grèce IV°
~ Quand ils
furent sujets à la corruption de la mort, à la malédiction, à la souffrance,
aux peines de la vie, c’est alors qu’avec ce cortège survint le mariage, ce
vêtement mortel et servile.
~ Vois-tu quelle
fut l’origine du mariage ? Pourquoi il parut nécessaire ? Il est la
conséquence de la désobéissance, de la malédiction, de la mort. Où est la mort,
là est le mariage ; ôtez l’un, l’autre disparaît.
Saint Jean Chrysostome, Sur
la virginité. Grèce IV°
Si tu souhaites
des enfants, il en est de bien meilleurs, de bien plus souhaitables, dont il ne
tient qu’à toi d’être le père, maintenant qu’il existe des gestations
spirituelles, des enfantements d’un ordre supérieur, et des bâtons de
vieillesse d’une espèce plus précieuse.
Saint Jean Chrysostome, Première
homélie sur le mariage. Grèce IV°
~ on ne vit
qu’une fois, dit la mère de brigitte, qui trouve que cette seule et unique fois
est déjà une fois de trop.
~ on est venu au
monde pour vivre une vie qui n’a rien de beau.
~ en réalité
brigitte trouve les nourrissons repoussants, en réalité elle aimerait briser
leurs délicates phalanges.
~ brigitte
espère que l’affaire avec heinz aura des conséquences, il le FAUT. il faut un
bébé ! un ver répugnant, blanc, qui s’agrippe. […] cet enfant incarnera le
lien durable que b. recherche. heinz cherche par tous les moyens à empêcher
tout lien durable. pour heinz un bébé serait un boulet, un poids mort, un obstacle
entravant son cheminement prometteur vers son but.
~ la maman de
paula hait paula à cause de l’enfant que celle-ci a dans le ventre. […] la
maman de paula a déjà eu plusieurs fois l’occasion de haïr son mari à cause des
enfants dans son ventre, à cause du surcroît de travail et du déroulement
répugnant de l’accouchement. elle a aussi très souvent haï les enfants dans son
ventre, puis les enfants hors de son ventre.
~ le travail
continue comme par le passé. et c’est pénible. l’accouchement aussi est une
pénible expérience qu’il faut bien traverser afin que l’offrande de l’enfant
ait lieu. après tout, la naissance de l’enfant n’est pas destinée à faire
plaisir à l’enfant, mais à réjouir l’homme auquel on offre l’enfant.
Elfriede Jelinek, Les amantes. Autriche XX°
Maudit soit le
jour où je suis né !
Le jour où ma
mère m’enfanta, qu’il ne soit pas béni !
Maudit soit
l’homme qui annonça à mon père
Cette
nouvelle : « Un fils, un garçon t’est né ! »
Et le combla de
joie.
Que cet homme
soit pareil aux villes
Que Yahvé a
renversées sans pitié ;
Qu’il entende le
cri d’alarme au matin
Et le cri de
guerre en plein midi,
Car il ne m’a
pas fait mourir dès le sein,
Pour que ma mère
soit un tombeau
Et que ses
entrailles me portent à jamais.
Pourquoi donc
suis-je sorti du sein ?
Pour voir tourment
et peine
Et finir mes
jours dans la honte.
(Livre de) Jérémie. Israël VI° AC
~ Le mariage
remplit la terre, et la virginité remplit le Paradis.
~ Celui qui est
cohéritier du Christ peut-il désirer un héritier parmi les hommes ? Peut-il
se réjouir d’avoir des enfants et des petits-enfants, qui seront peut-être
victimes de l’Antéchrist ?
Saint Jérôme, Contre Jovinien. Rome IV°
~ Il y a, en
effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des
eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques
qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux. Qui peut
comprendre, qu’il comprenne !
~ A la
résurrection, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le
ciel.
~ Mieux eût valu
pour cet homme-là de ne pas naître !
~ Si ton pied
est pour toi une occasion de péché, coupe-le.
~ Il advint,
comme il parlait ainsi, qu’une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui
dit : « Heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins que tu
as sucés ! » Mais il dit : « Heureux plutôt ceux qui
écoutent la parole de Dieu et l’observent ! »
~ Les fils de ce
monde-ci prennent femme ou mari ; mais ceux qui auront été jugés dignes
d’avoir part à ce monde-là et à la résurrection d’entre les morts ne prennent
ni femme ni mari.
~ Ce seront des
jours de vengeance, où devra s’accomplir tout ce qui a été écrit. Malheur à
celles qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là1 !
[...] Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, parce
que votre délivrance est proche.
~ Filles de
Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur
vos enfants ! Car voici venir des jours1 où l'on dira : Heureuses
les femmes stériles, les entrailles qui n'ont pas enfanté, et les seins qui
n'ont pas nourri !
Jésus-Christ, Evangiles. Israël I°
1. La fin du monde et le jugement dernier.
~ Enfin Job
ouvrit la bouche
Et maudit le
jour de sa naissance.
Il prit la
parole et dit :
Périsse le jour
qui me vit naître
Et la nuit qui a
dit : « Un garçon a été conçu ! » […]
Cette nuit-là,
qu’elle soit stérile,
Qu’elle ignore
les cris de joie !
~ Pourquoi ne
suis-je pas mort au sortir du sein,
N’ai-je péri
aussitôt enfanté ?
Pourquoi
s’est-il trouvé deux genoux pour m’accueillir,
Deux mamelles
pour m’allaiter ?
Maintenant je
serais couché en paix,
Je dormirais
d’un sommeil reposant.
~ Pourquoi
donner à un malheureux la lumière,
La vie à ceux
qui ont l’amertume au cœur,
Qui aspirent
après la mort sans qu’elle vienne,
Fouillent à sa
recherche plus que pour un trésor ?
Ils se
réjouiraient en face du tertre funèbre,
Exulteraient de
trouver la tombe.
~ L’homme est né
pour la souffrance
Comme les
étincelles s’envolent vers le haut.
~ N’est-ce pas
un temps de corvée qu’accomplit l’homme sur terre,
N’y mène-t-il
pas la vie d’un mercenaire ?
~ L’homme, né de
la femme,
A la vie courte,
mais des tourments à satiété.
~ J’espérais le
bonheur, et le malheur est venu.
(Livre de) Job. Israël V° AC
Partout, la vie
humaine est un état dans lequel il y a beaucoup à endurer, et peu à savourer.
Samuel Johnson, Histoire de Rasselas.
Angleterre XVIII°
La vie prolongée
est un malheur prolongé.
Samuel Johnson, La vanité des vœux humains.
Angleterre XVIII°
Jonas demanda la
mort et dit :
« Mieux
vaut pour moi mourir que vivre ».
(Livre de) Jonas. Israël V° AC
Adieu, enfant de
ma main droite, et joie ;
Mon péché fut de
trop espérer de toi, garçon chéri,
Sept ans tu me
fus prêté, et je m’acquitte de toi,
Réclamé par ton
destin, au juste jour.
O, puissé-je
libérer tout père à présent. Car pourquoi
L’homme
déplorerait-il l’état qu’il devrait envier ?
Avoir si tôt
échappé à la furie du monde et de la chair,
Et, si à nulle
autre misère, du moins à l’âge !
Ben Jonson, Sur mon premier fils. Angleterre XVII°
Quand un fœtus
récalcitrant ne manifeste qu'un médiocre
empressement à sortir des entrailles maternelles, on va quérir les forceps et,
sans tenir compte de ses cris de protestation, on l'introduit dans la vie.
Gustave-Henri Jossot, Le
fœtus récalcitrant. France XX°
Ce n'est que le
commencement de la fin : pour que la palingénésie soit intégrale, il faut que
s'intensifie le machinisme, que les guerres deviennent plus effroyables et
l'empoisonnement scientifique plus destructif. Alors la mort, ayant passé sa
faulx sur toute la surface du globe, notre planète sera débarrassée de sa
grouillante vermine et connaîtra enfin le repos.
Gustave-Henri Jossot, L’évangile
de la paresse. France XX°
Dès les
premières pages de son livre, l’artiste s’identifie au fœtus rebelle et raconte
son enfance à travers un numéro de L’Assiette
au Beurre intitulé « Dressage ! ». Celui-ci débute avec le
dessin d’un nouveau-né furieux d’avoir été extirpé aux forceps par un médecin
dont le tablier, maculé de sang, laisse deviner la délicatesse de
garçon-boucher : « – Voyez ce petit révolté qui refusait d’entrer
dans la Vie ! », dit la légende. En 1899, Jossot avait déjà publié
dans La Critique un dessin effrayant
où un avorton s’attaque à l’auteur de ses jours et l’égorge d’un coup de rasoir
tout en lui fouillant les orbites ! Dans sa laideur, le nouveau-né résiste
à sa mise en forme : ce qui n’est encore qu’une ébauche d’humanité
extermine sa propre matrice et rejette sa condition humaine. Le cri de révolte
contre l’existence est ainsi placé à l’origine même de la vie.
[Gustave-Henri Jossot] France
XX°. Extrait de : Henri Viltard, Jossot
philosophe – Caricature et métaphysique ; postface à Jossot, Le foetus récalcitrant, éditions
Finitude, 2011
~ On ne
s’informe jamais des motivations qui poussent les gens à avoir des enfants,
tant c’est le cours « normal » des choses. Pourtant, ces raisons,
souvent inconscientes, pourraient étonner : combien de femmes mettent des
enfants au monde pour se désennuyer ou ne pas être seules advenant le départ du
conjoint ? Ou pour abandonner un emploi qui les barbe ? Combien de
grossesses servent d’excuses pour ne pas terminer un livre ou ne pas retourner
aux études, ou pour baisser les bras sans même avoir essayé ? Ou simplement
pour obtenir un statut qui suscitera enfin l’approbation de son
entourage ? Bref, les motivations sont aussi nombreuses que douteuses, si
on creuse un peu, mais la question n’étant jamais posée, seuls les non-parents
sont sans cesse sommés de se justifier.
~ La fécondation
in vitro […] requiert une ténacité
que je n’associe pas du tout au courage mais bien à la complaisance, alors que
l’adoption, telle qu’elle se pratique actuellement au Canada, est un marché
inhumain, un scandale pour les couples désireux d’avoir une famille. Les
adoptants sont jugés sous toutes leurs coutures alors qu’on n’oblige aucun
futur parent naturel à prouver qu’il est sain d’esprit ou que ses détecteurs de
fumée sont placés au bon endroit dans la maison.
Lucie Joubert, L’envers du landau. Québec
XXI°
~ L’Histoire,
dit Stephen, est un cauchemar dont j’essaie de m’éveiller.
~ Lit d’épousée,
lit d’enfantement, lit de mort.
~ Enterrements
sur toute la surface du globe, partout, à toute minute. A pleines charretées
par là-dessous dare-dare. A chaque heure des milliers. Trop de monde sur cette
terre.
~ Gaz des
tombeaux. Faut qu’elle évite de penser à tout ça pour pouvoir tomber enceinte.
~ Pauvre
garçon ! Presque un enfant. Affreux. Vraiment affreux. Quels rêves peut-il
avoir, puisqu’il ne voit rien ? La vie est un rêve pour lui. Y a-t-il une
justice pour qu’on puisse naître comme ça ?
~ Le fils à
naître dépare la beauté : né, il apporte la peine, divise l’affection,
accroît le souci.
~ Essuyer une
larme pour les martyrs qui veulent, qui meurent d’envie de, mourir. Pour tout
ce qui meurt, pour tout ce qui naît.
~ La Nature.
Laver des enfants, laver des cadavres.
~ Avant de
naître, bébé connaissait la félicité.
James Joyce, Ulysse. Irlande XX°
~ Notre humanité
[…] est menacée non seulement par la bombe à hydrogène, mais plus encore par
l’accroissement en avalanche du chiffre de la population. Ce dernier problème
est un de ceux dont on n’aime pas discuter.
~ L’espace vital
et habitable de l’humanité se réduit de plus en plus et, pour bon nombre de
peuples, l’optimum a été dépassé depuis longtemps. Le danger de catastrophes
augmente proportionnellement à la densité des populations en croissance.
Carl Gustav Jung, Un mythe moderne. Suisse
XX°
Note : Jung tenait ces propos à la fin des années
1950, lorsque la Terre comptait à peine 3 milliards d’habitants…
~ Même quand on
n’est pas pessimiste, l’existence apparaît comme un combat plutôt que comme
quoi que ce soit d’autre.
~ Parce que la
douleur est positivement désagréable, l’homme préfère naturellement ne jamais
devoir mesurer ni sonder à combien d’angoisses et de soucis l’être est voué.
Carl Gustav Jung, L’âme et la vie. Suisse
XX°
~ Il devait y
avoir eu, en quelque lieu et en quelque époque, des hommes qui, comme moi,
cherchaient la vérité ; des hommes qui pensaient raisonnablement, qui ne
voulaient tromper ni eux-mêmes ni les autres et qui ne cherchaient pas à nier
la pénible réalité du monde.
~ La grande
trouvaille de mes investigations fut Schopenhauer. Il était le premier à parler
de la souffrance du monde, de cette souffrance qui éclate aux yeux, et qui nous
oppresse.
~ [Schopenhauer]
disait clairement que le cours douloureux de l’histoire de l’humanité et la
cruauté de la nature reposaient sur une déficience : l’aveuglement de la
volonté créatrice du monde. Tout ce que j’avais observé me le confirmait :
les poissons malades et mourants, les renards galeux, les oiseaux morts de
froid et de faim, l’impitoyable tragédie que recouvre la prairie en
fleurs : vers de terre torturés à mort par les fourmis, insectes qui se
déchirent morceau par morceau, etc. Par ailleurs, les expériences que j’avais
faites sur les hommes m’avaient inspiré tout autre chose que la croyance à la
bonté originelle de l’homme et à sa moralité.
~ Le mal ne
saurait plus être bagatellisé par l’euphémisme de la privatio boni – privation de bien. Le mal est devenu une réalité
déterminante.
~ Devant nous se
dresse la terrible question du mal et nous ne nous en rendons même pas compte,
sans parler de la réponse qu’il importerait de lui opposer.
~ Le monde dans
lequel nous pénétrons en naissant est brutal et cruel.
Carl Gustav Jung, Ma vie. Souvenirs, rêves et
pensées. Suisse XX°
~ Nous vivons
dans le neuvième âge, dans un siècle pire que le siècle de fer : les noms
manquent aux crimes, et la nature n’a plus de métaux pour les désigner.
~ Il est bien
des vices, Fuscinus, bien des vices déshonorants et capables de flétrir à
jamais les plus heureux caractères, que les parents eux-mêmes enseignent et
transmettent à leurs enfants.
~ L’espèce
humaine dégénérait déjà au temps d’Homère : aujourd’hui la terre ne porte
plus que des hommes méchants et faibles : aussi, Dieu ne les regarde-t-il
qu’avec un sourire amer de mépris et de haine.
Juvénal, Satires. Rome
I°
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