But de ce blog


Le refus de procréer étant encore un tabou volontiers passé sous silence par les médias dominants, ce blog a pour vocation de montrer que le non-désir d’enfant ou le dégoût d’être né sont en réalité des invariants anthropologiques qui se manifestent à toute époque à travers les œuvres littéraires, philosophiques et même religieuses. Ainsi le but de tout bouddhiste est-il de sortir à jamais du cycle des naissances… Pour paraphraser le VHEMT : Puissions-nous rire longtemps et disparaître !

17 juin 2012

Lettre J


~ Vouloir des enfants, c’est vouloir se venger de son passé. C’est pour la femme faire don à sa propre mère de sa haine et pour l’homme rivaliser avec son père ou avec Dieu dans le fantasme imbécile d’une postérité. Et c’est pour chaque couple un remède au désespoir. Quand la vie a trompé nos attentes, quand on a renoncé à se créer soi-même, quand on pressent que tout est foutu, alors plutôt que de se rendre à la morgue, on convie sa famille et ses proches dans un lieu plus sinistre encore, parce que plus kitsch : la maternité.
~ Ce monde ne peut être l’œuvre d’un Dieu plein de bonté, il est entre les mains d’un tortionnaire convulsif qui n’a créé ses victimes que pour le plaisir de les estropier…
~ On ne peut plus reculer face à la thérapie ultime : la thérapie par le vide. Euthanasie oui, mais planétaire, clame Louis Wolfson, Il s’agit maintenant de trouver le réconfort et le plaisir là où ils sont : dans la production ininterrompue de bombes atomiques et thermonucléaires qui, en dépit des simagrées des pacifistes, permettront enfin de réussir un suicide collectif complet « avant que ne commence encore un autre millénaire de tortures ici-bas ».
Roland Jaccard, La tentation nihiliste. France XX°

~ L’acte le plus rationnel est le suicide.
~ Qu’y a-t-il de plus obscène qu’une femme portant fièrement dans son ventre un futur cadavre ?
~ Theodor Lessing rappelle que, pendant deux ans et demi, les plus sages parmi les rabbins ont débattu de la question suivante : « Eût-il mieux valu que l’univers ne fût point créé ? ». Selon le Talmud, les académies, après maintes controverses, se rallièrent à la conclusion suivante : « Il eût mieux valu que le monde réel dont nous avons conscience ne fût point créé. Il ne fait pas le moindre doute que le plus souhaitable pour l’humanité est d’arriver à son terme et de se résorber dans l’infini. »
~ Wittgenstein ou l’impalpable épiphanie du Rien. Il est le seul philosophe moderne à avoir osé parler de la bombe atomique comme d’un médicament amer, mais salutaire.
Roland Jaccard, Topologie du pessimisme. France XX°

Comment a-t-on pu prendre au sérieux une idée aussi démente que celle de la création du monde par un Dieu bienveillant, et souscrire à l’impératif le plus criminel jamais édicté : « Croissez et multipliez-vous ! » ?
Roland Jaccard, Sexe et sarcasmes. France XX°


~ La vérité c’est que l’humanité est un grand foutoir. Tout le monde veut croire à une espèce humaine supérieure alors qu’il suffit de regarder autour de soi pour voir que les seuls à mériter le titre de « nuisibles » sont les hommes. Et les femmes.
~ Tu veux le connaître le sens de la vie ? C’est un sens unique de la naissance à la mort. Et entre les deux, tu te démerdes. Joli cadeau, je sais. Oui, j’ai lu, tu n’as pas demandé à naître et la vie n’est pas belle. Qu’est-ce que tu veux qu’un père réponde à ça ? D’accord, je n’avais pas le droit.
Brigitte Jacobs, Made in dignity. Belgique XXI°


Pourquoi vivre, quand il faut quand même mourir ?
Pourquoi lutter quand nous savons que le glaive
Sera quand même un jour arraché à nos mains ?
A quelle fin ces holocaustes de tourments, de souffrances ?
Jens Peter Jacobsen, Arabesque. Danemark XIX°


A propos des progrès médicaux : le prix à payer pour le bonheur d’empêcher un enfant de mourir est, sur notre Terre limitée, l’obligation d’empêcher un enfant de naître.
Albert Jacquard, Voici le temps du monde fini. France XX°

L’humanité est réellement prise à la gorge par l’accroissement de son effectif.
Albert Jacquard, L’explosion démographique. France XX°

Pour retrouver un équilibre, la seule possibilité est de limiter la fécondité, ce qui suppose un changement fondamental dans notre attitude face à la procréation. Procréer était autrefois un devoir ; c’est désormais un droit limité.
Albert Jacquard, Petite philosophie à l’usage des non-philosophes. France XX°


Entends-tu le rythme de notre naissance ?! C’est une danse macabre. Des ossements et des boyaux.
Hans Henny Jahnn, Pasteur Ephraïm Magnus. Allemagne XX°

~ Contre la mort il n’y a rien à faire, car la procréation est voisine, menaçant de son chiffre écrasant.
~ Sans être vu, il faisait le tour de la Terre. L’eau le portait, la tempête l’emportait. Il voyait très près les faits et gestes des hommes. Cela le gênait, l’effrayait. Il voulait crier parce qu’il voyait l’arbitraire et l’injustice, et les souffrances.
~ Il marchait sur les ennemis, sur les ennemis de son île, sur les ennemis de ses temples, sur les ennemis de sa lumière, sur les ennemis de ses danses, sur les fous qui succombaient à la loi de la procréation.
~ Il pleurait parce qu’il saisissait l’ineptie de tous les désirs et de tous les actes.
Hans Henny Jahnn, Perrudja. Allemagne XX°


~ L’homme est une créature de besoin. Nous naissons tous avec des besoins et la plupart d’entre nous meurent après une vie de lutte sans avoir satisfait bon nombre de ces besoins.
~ L’enfant naît dans le contexte des besoins de ses parents et il commence à lutter pour les satisfaire presque dès sa naissance.
~ C’est ainsi qu’une femme peut concevoir un enfant afin de pouvoir se faire dorloter comme un bébé – ce dont elle a en réalité éprouvé le besoin toute sa vie. Aussi longtemps qu’elle est au centre de l’attention, elle est relativement heureuse. Mais, après l’accouchement, elle risque de sombrer dans une dépression profonde. La grossesse servait son besoin et n’avait rien à voir avec la venue au monde d’un nouvel être humain. L’enfant risque même de souffrir d’avoir, en naissant, privé sa mère du seul moment de sa vie où elle obtenait que les autres s’occupent d’elle. Comme elle n’est pas prête à la maternité, elle n’aura peut-être pas de lait, et elle fera souffrir son enfant des mêmes privations dont elle-même a peut-être souffert. Voilà comment l’iniquité des pères est punie sur les enfants en un cycle apparemment sans fin.
~ Que ce soit par d’acerbes critiques ou par de fermes conseils, les parents essaient d’utiliser un enfant sans défense pour satisfaire leurs propres besoins frustrés.
~ Ce que les parents voient dans leur enfant, ce sont leurs propres besoins et l’espoir de les satisfaire. L’enfant n’est pas pris en considération pour ce qu’il est.
Arthur Janov, Le cri primal. Etats-Unis XX°


Pourquoi vivre ? Pourquoi grandir ? Car sur nos têtes
Plane la maladie affreuse aux noms divers ;
Ses mille formes sont à nous abattre prêtes,
Et sous nos pieds la mort a ses gouffres ouverts !
L’enfant naît faible et nu, tel qu’après un naufrage,
Quand la mer a vomi quelque barque d’un flot,
Sur la grève est jeté, mourant, le matelot !
Venant dans notre exil, où tout le décourage,
L’enfant s’effraye, et ses premiers vagissements
Ne sont que de plaintifs et longs gémissements.
Car pour lui sur la terre il n’est point d’espérance.
Il pleure, et c’est justice. Il doit pleurer, celui
Qui commence une vie où toujours la souffrance,
La misère et la mort s’acharnent après lui.
Alfred Jarry, Misère de l’homme. France XIX°

– La dépopulation n’est plus qu’un mot, larmoya d’admiration le sénateur.
– A peine un mot, chantonna le général.
– La patrie peut compter tous les jours sur une centaine de défenseurs de plus, s’écrièrent-ils ensemble. […]
L’Indien, en réponse à tous les discours, fit, d’un tranquille signe de tête :
  Non.
– Que dit-il ? grommela le général ; qu’il ne veut pas faire d’enfants ? mais qui en fera, alors ?
 Alfred Jarry, Le surmâle. France XX°


~ Faut-il ou non se suicider n’est pas la seule question philosophique véritablement importante, il y en a une autre aussi importante ; cette question est : faut-il faire des enfants ? Curieusement, cette question, la philosophie se l’est très peu posée. D’où vient cette carence dans l’histoire de la pensée ? Tout fonctionne comme s’il y avait un refus plus ou moins conscient de s’emparer de cette problématique.
~ L’acte authentique de penser est apocalyptique. L’homme qui pense est nécessairement amené, à un moment ou à un autre, à remettre en cause son existence, les principes qui l’animent, les centres d’intérêt qu’elle investit et finalement à se poser la question du suicide, non pas seulement de sa personne elle-même […] mais de l’humain tout entier.
~ Faut-il vraiment s’inquiéter de voir un jour ce monde vide d’hommes du fait de l’homme, du fait que l’homme pense ? Devons-nous redouter que l’homme progresse en aptitude de pensée et que, de ce fait, le monde se dépeuple ?
~ La crainte de voir l’humanité s’éteindre a quelque chose d’absurde puisque de toute manière, tôt ou tard, celle-ci est vouée à disparaître […]. Dès lors, il ne s’agit pas tant d’assurer une illusoire perpétuation de l’humain que de garantir une vie digne à nos descendants. Sommes-nous encore en mesure de donner de telles garanties ? Assurons-nous à nos descendants les moyens d’une vie heureuse sur terre ?
~ Mes enfants ne vont-ils pas me reprocher un jour de les avoir fait naître dans un monde qui ne leur convient pas, de les avoir fait naître en dépit du fait que rien ne peut garantir que leur vie vaudra d’être vécue. […] Par amour des enfants, peut-être vaut-il mieux ne pas en faire, comme le disait déjà Thalès !
Bruno Jay, Faut-il faire des enfants ? France XXI°


Le monde entier gît au pouvoir du Mauvais.
Saint Jean l’Evangéliste, Première épître. Israël I°

~ Et nul ne pouvait apprendre le cantique, hormis les cent quarante-quatre milliers, les rachetés à la terre. Ceux-là, ils ne se sont pas souillés avec des femmes, ils sont vierges.
~ De mort, il n’y en aura plus ; de pleur, de cri et de peine, il n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé.
Saint Jean l’Evangéliste, Apocalypse. Israël I°


Voyez de combien de maux cette vie est pleine, souvenez-vous combien de fois vous l’avez eue en horreur, combien d’imprécations vous avez faites en voyant les maux qui l’assiègent sans cesse, et qui se succèdent les uns aux autres. […] Dès le commencement du monde Dieu nous a condamnés à souffrir.
Saint Jean Chrysostome, Homélie XXXI sur Matthieu. Grèce IV°

~ Quand ils furent sujets à la corruption de la mort, à la malédiction, à la souffrance, aux peines de la vie, c’est alors qu’avec ce cortège survint le mariage, ce vêtement mortel et servile.
~ Vois-tu quelle fut l’origine du mariage ? Pourquoi il parut nécessaire ? Il est la conséquence de la désobéissance, de la malédiction, de la mort. Où est la mort, là est le mariage ; ôtez l’un, l’autre disparaît.
Saint Jean Chrysostome, Sur la virginité. Grèce IV°

Si tu souhaites des enfants, il en est de bien meilleurs, de bien plus souhaitables, dont il ne tient qu’à toi d’être le père, maintenant qu’il existe des gestations spirituelles, des enfantements d’un ordre supérieur, et des bâtons de vieillesse d’une espèce plus précieuse.
Saint Jean Chrysostome, Première homélie sur le mariage. Grèce IV°


~ on ne vit qu’une fois, dit la mère de brigitte, qui trouve que cette seule et unique fois est déjà une fois de trop.
~ on est venu au monde pour vivre une vie qui n’a rien de beau.
~ en réalité brigitte trouve les nourrissons repoussants, en réalité elle aimerait briser leurs délicates phalanges.
~ brigitte espère que l’affaire avec heinz aura des conséquences, il le FAUT. il faut un bébé ! un ver répugnant, blanc, qui s’agrippe. […] cet enfant incarnera le lien durable que b. recherche. heinz cherche par tous les moyens à empêcher tout lien durable. pour heinz un bébé serait un boulet, un poids mort, un obstacle entravant son cheminement prometteur vers son but.
~ la maman de paula hait paula à cause de l’enfant que celle-ci a dans le ventre. […] la maman de paula a déjà eu plusieurs fois l’occasion de haïr son mari à cause des enfants dans son ventre, à cause du surcroît de travail et du déroulement répugnant de l’accouchement. elle a aussi très souvent haï les enfants dans son ventre, puis les enfants hors de son ventre.
~ le travail continue comme par le passé. et c’est pénible. l’accouchement aussi est une pénible expérience qu’il faut bien traverser afin que l’offrande de l’enfant ait lieu. après tout, la naissance de l’enfant n’est pas destinée à faire plaisir à l’enfant, mais à réjouir l’homme auquel on offre l’enfant.
Elfriede Jelinek, Les amantes. Autriche XX°


Maudit soit le jour où je suis né !
Le jour où ma mère m’enfanta, qu’il ne soit pas béni !
Maudit soit l’homme qui annonça à mon père
Cette nouvelle : « Un fils, un garçon t’est né ! »
Et le combla de joie.
Que cet homme soit pareil aux villes
Que Yahvé a renversées sans pitié ;
Qu’il entende le cri d’alarme au matin
Et le cri de guerre en plein midi,
Car il ne m’a pas fait mourir dès le sein,
Pour que ma mère soit un tombeau
Et que ses entrailles me portent à jamais.
Pourquoi donc suis-je sorti du sein ?
Pour voir tourment et peine
Et finir mes jours dans la honte.
(Livre de) Jérémie. Israël VI° AC


~ Le mariage remplit la terre, et la virginité remplit le Paradis.
~ Celui qui est cohéritier du Christ peut-il désirer un héritier parmi les hommes ? Peut-il se réjouir d’avoir des enfants et des petits-enfants, qui seront peut-être victimes de l’Antéchrist ?
Saint Jérôme, Contre Jovinien. Rome IV°


~ Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels à cause du Royaume des Cieux. Qui peut comprendre, qu’il comprenne !
~ A la résurrection, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le ciel.
~ Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître !
~ Si ton pied est pour toi une occasion de péché, coupe-le.
~ Il advint, comme il parlait ainsi, qu’une femme éleva la voix du milieu de la foule et lui dit : « Heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins que tu as sucés ! » Mais il dit : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ! »
~ Les fils de ce monde-ci prennent femme ou mari ; mais ceux qui auront été jugés dignes d’avoir part à ce monde-là et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari.
~ Ce seront des jours de vengeance, où devra s’accomplir tout ce qui a été écrit. Malheur à celles qui seront enceintes et à celles qui allaiteront en ces jours-là1 ! [...] Quand cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, parce que votre délivrance est proche.
~ Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Car voici venir des jours1 où l'on dira : Heureuses les femmes stériles, les entrailles qui n'ont pas enfanté, et les seins qui n'ont pas nourri !
Jésus-Christ, Evangiles. Israël I°
1. La fin du monde et le jugement dernier.


~ Enfin Job ouvrit la bouche
Et maudit le jour de sa naissance.
Il prit la parole et dit :
Périsse le jour qui me vit naître
Et la nuit qui a dit : « Un garçon a été conçu ! » […]
Cette nuit-là, qu’elle soit stérile,
Qu’elle ignore les cris de joie !
~ Pourquoi ne suis-je pas mort au sortir du sein,
N’ai-je péri aussitôt enfanté ?
Pourquoi s’est-il trouvé deux genoux pour m’accueillir,
Deux mamelles pour m’allaiter ?
Maintenant je serais couché en paix,
Je dormirais d’un sommeil reposant.
~ Pourquoi donner à un malheureux la lumière,
La vie à ceux qui ont l’amertume au cœur,
Qui aspirent après la mort sans qu’elle vienne,
Fouillent à sa recherche plus que pour un trésor ?
Ils se réjouiraient en face du tertre funèbre,
Exulteraient de trouver la tombe.
~ L’homme est né pour la souffrance
Comme les étincelles s’envolent vers le haut.
~ N’est-ce pas un temps de corvée qu’accomplit l’homme sur terre,
N’y mène-t-il pas la vie d’un mercenaire ?
~ L’homme, né de la femme,
A la vie courte, mais des tourments à satiété.
~ J’espérais le bonheur, et le malheur est venu.
(Livre de) Job. Israël V° AC


Partout, la vie humaine est un état dans lequel il y a beaucoup à endurer, et peu à savourer.
Samuel Johnson, Histoire de Rasselas. Angleterre XVIII°

La vie prolongée est un malheur prolongé.
Samuel Johnson, La vanité des vœux humains. Angleterre XVIII°


Jonas demanda la mort et dit :
« Mieux vaut pour moi mourir que vivre ».
(Livre de) Jonas. Israël V° AC


Adieu, enfant de ma main droite, et joie ;
Mon péché fut de trop espérer de toi, garçon chéri,
Sept ans tu me fus prêté, et je m’acquitte de toi,
Réclamé par ton destin, au juste jour.
O, puissé-je libérer tout père à présent. Car pourquoi
L’homme déplorerait-il l’état qu’il devrait envier ?
Avoir si tôt échappé à la furie du monde et de la chair,
Et, si à nulle autre misère, du moins à l’âge !
Ben Jonson, Sur mon premier fils. Angleterre XVII°


Quand un fœtus récalcitrant ne  manifeste qu'un médiocre empressement à sortir des entrailles maternelles, on va quérir les forceps et, sans tenir compte de ses cris de protestation, on l'introduit dans la vie.
Gustave-Henri Jossot, Le fœtus récalcitrant. France XX°

Ce n'est que le commencement de la fin : pour que la palingénésie soit intégrale, il faut que s'intensifie le machinisme, que les guerres deviennent plus effroyables et l'empoisonnement scientifique plus destructif. Alors la mort, ayant passé sa faulx sur toute la surface du globe, notre planète sera débarrassée de sa grouillante vermine et connaîtra enfin le repos.
Gustave-Henri Jossot, L’évangile de la paresse. France XX°

Dès les premières pages de son livre, l’artiste s’identifie au fœtus rebelle et raconte son enfance à travers un numéro de L’Assiette au Beurre intitulé « Dressage ! ». Celui-ci débute avec le dessin d’un nouveau-né furieux d’avoir été extirpé aux forceps par un médecin dont le tablier, maculé de sang, laisse deviner la délicatesse de garçon-boucher : « – Voyez ce petit révolté qui refusait d’entrer dans la Vie ! », dit la légende. En 1899, Jossot avait déjà publié dans La Critique un dessin effrayant où un avorton s’attaque à l’auteur de ses jours et l’égorge d’un coup de rasoir tout en lui fouillant les orbites ! Dans sa laideur, le nouveau-né résiste à sa mise en forme : ce qui n’est encore qu’une ébauche d’humanité extermine sa propre matrice et rejette sa condition humaine. Le cri de révolte contre l’existence est ainsi placé à l’origine même de la vie.
[Gustave-Henri Jossot] France XX°. Extrait de : Henri Viltard, Jossot philosophe – Caricature et métaphysique ; postface à Jossot, Le foetus récalcitrant, éditions Finitude, 2011


~ On ne s’informe jamais des motivations qui poussent les gens à avoir des enfants, tant c’est le cours « normal » des choses. Pourtant, ces raisons, souvent inconscientes, pourraient étonner : combien de femmes mettent des enfants au monde pour se désennuyer ou ne pas être seules advenant le départ du conjoint ? Ou pour abandonner un emploi qui les barbe ? Combien de grossesses servent d’excuses pour ne pas terminer un livre ou ne pas retourner aux études, ou pour baisser les bras sans même avoir essayé ? Ou simplement pour obtenir un statut qui suscitera enfin l’approbation de son entourage ? Bref, les motivations sont aussi nombreuses que douteuses, si on creuse un peu, mais la question n’étant jamais posée, seuls les non-parents sont sans cesse sommés de se justifier.
~ La fécondation in vitro […] requiert une ténacité que je n’associe pas du tout au courage mais bien à la complaisance, alors que l’adoption, telle qu’elle se pratique actuellement au Canada, est un marché inhumain, un scandale pour les couples désireux d’avoir une famille. Les adoptants sont jugés sous toutes leurs coutures alors qu’on n’oblige aucun futur parent naturel à prouver qu’il est sain d’esprit ou que ses détecteurs de fumée sont placés au bon endroit dans la maison.
Lucie Joubert, L’envers du landau. Québec XXI°


~ L’Histoire, dit Stephen, est un cauchemar dont j’essaie de m’éveiller.
~ Lit d’épousée, lit d’enfantement, lit de mort.
~ Enterrements sur toute la surface du globe, partout, à toute minute. A pleines charretées par là-dessous dare-dare. A chaque heure des milliers. Trop de monde sur cette terre.
~ Gaz des tombeaux. Faut qu’elle évite de penser à tout ça pour pouvoir tomber enceinte.
~ Pauvre garçon ! Presque un enfant. Affreux. Vraiment affreux. Quels rêves peut-il avoir, puisqu’il ne voit rien ? La vie est un rêve pour lui. Y a-t-il une justice pour qu’on puisse naître comme ça ?
~ Le fils à naître dépare la beauté : né, il apporte la peine, divise l’affection, accroît le souci.
~ Essuyer une larme pour les martyrs qui veulent, qui meurent d’envie de, mourir. Pour tout ce qui meurt, pour tout ce qui naît.
~ La Nature. Laver des enfants, laver des cadavres.
~ Avant de naître, bébé connaissait la félicité.
James Joyce, Ulysse. Irlande XX°


~ Notre humanité […] est menacée non seulement par la bombe à hydrogène, mais plus encore par l’accroissement en avalanche du chiffre de la population. Ce dernier problème est un de ceux dont on n’aime pas discuter.
~ L’espace vital et habitable de l’humanité se réduit de plus en plus et, pour bon nombre de peuples, l’optimum a été dépassé depuis longtemps. Le danger de catastrophes augmente proportionnellement à la densité des populations en croissance.
Carl Gustav Jung, Un mythe moderne. Suisse XX°
Note : Jung tenait ces propos à la fin des années 1950, lorsque la Terre comptait à peine 3 milliards d’habitants…

~ Même quand on n’est pas pessimiste, l’existence apparaît comme un combat plutôt que comme quoi que ce soit d’autre.
~ Parce que la douleur est positivement désagréable, l’homme préfère naturellement ne jamais devoir mesurer ni sonder à combien d’angoisses et de soucis l’être est voué.
Carl Gustav Jung, L’âme et la vie. Suisse XX°

~ Il devait y avoir eu, en quelque lieu et en quelque époque, des hommes qui, comme moi, cherchaient la vérité ; des hommes qui pensaient raisonnablement, qui ne voulaient tromper ni eux-mêmes ni les autres et qui ne cherchaient pas à nier la pénible réalité du monde.
~ La grande trouvaille de mes investigations fut Schopenhauer. Il était le premier à parler de la souffrance du monde, de cette souffrance qui éclate aux yeux, et qui nous oppresse.
~ [Schopenhauer] disait clairement que le cours douloureux de l’histoire de l’humanité et la cruauté de la nature reposaient sur une déficience : l’aveuglement de la volonté créatrice du monde. Tout ce que j’avais observé me le confirmait : les poissons malades et mourants, les renards galeux, les oiseaux morts de froid et de faim, l’impitoyable tragédie que recouvre la prairie en fleurs : vers de terre torturés à mort par les fourmis, insectes qui se déchirent morceau par morceau, etc. Par ailleurs, les expériences que j’avais faites sur les hommes m’avaient inspiré tout autre chose que la croyance à la bonté originelle de l’homme et à sa moralité.
~ Le mal ne saurait plus être bagatellisé par l’euphémisme de la privatio boni – privation de bien. Le mal est devenu une réalité déterminante.
~ Devant nous se dresse la terrible question du mal et nous ne nous en rendons même pas compte, sans parler de la réponse qu’il importerait de lui opposer.
~ Le monde dans lequel nous pénétrons en naissant est brutal et cruel.
Carl Gustav Jung, Ma vie. Souvenirs, rêves et pensées. Suisse XX°


~ Nous vivons dans le neuvième âge, dans un siècle pire que le siècle de fer : les noms manquent aux crimes, et la nature n’a plus de métaux pour les désigner.
~ Il est bien des vices, Fuscinus, bien des vices déshonorants et capables de flétrir à jamais les plus heureux caractères, que les parents eux-mêmes enseignent et transmettent à leurs enfants.
~ L’espèce humaine dégénérait déjà au temps d’Homère : aujourd’hui la terre ne porte plus que des hommes méchants et faibles : aussi, Dieu ne les regarde-t-il qu’avec un sourire amer de mépris et de haine.
Juvénal, Satires. Rome I°

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire